Le plaidoyer de Jaurès pour un délégué "indépendant" et "compétent"
"Il importe tout d'abord de prévenir le plus possible les accidents. [...] Quand une fois l'accident s'est produit, il faut qu'une constatation immédiate et impartiale fasse la part des responsabilités." C'est ainsi que Jean Jaurès justifie son soutien au projet de loi sur les délégués mineurs dans un long article publié dans La Dépêche du 19 mars 1887. Alors député du Tarn, où se trouvent les mines de charbon de Carmaux, il y exprime sa vision du socialisme, en articulant démocratie sociale et sécurité au travail et en insistant sur la nécessité de réformes progressives et pragmatiques.
Jaurès préconise notamment que, lors de l'élection des délégués, le vote des mineurs soit, non un simple droit, mais un "devoir légal". Et ce, pour éviter toute pression patronale, car, souligne-t-il, "la liberté des travailleurs, quand elle n'est pas soutenue par la société, et comme doublée par la force de la loi, n'est qu'illusion et mensonge". Il plaide également en faveur d'une vaste circonscription, afin que le mineur élu ne soit pas "à la fois délégué et ouvrier ; il sera indépendant. Il sera en outre plus compétent", puisque plus le nombre d'ouvriers de la circonscription sera élévé, plus les chances de trouver parmi eux un délégué "éclairé" et "instruit" seront grandes. Et de conclure en invitant la bourgeoisie à davantage de "clarté d'esprit", au nom du progrès social : "Plus de justice ! demande notre siècle avant de finir."