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« Les politiques de santé au travail n’intègrent pas suffisamment le handicap »

entretien avec Arnaud De Broca président du collectif Handicaps
par Catherine Abou El Khair / 11 février 2025

Pour le président du collectif Handicaps, Arnaud de Broca, les politiques publiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées font encore trop l’impasse sur l’amélioration des conditions de travail, une clé pourtant pour améliorer leur insertion professionnelle ainsi que leur maintien en emploi. 

La loi du 11 février 2005 pour « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », qui a aujourd’hui vingt ans, a-t-elle aidé à ce que le travail s’adapte mieux aux personnes handicapées ? 

Arnaud de Broca : La loi de 2005 a davantage porté sur l’accès à l’emploi que sur les conditions de travail des travailleurs handicapés. Son principal apport est d’avoir étendu l’obligation d’emploi – 6% d’emplois réservés- à la fonction publique et d’avoir mis en place des sanctions financières en cas de non-respect de cette obligation
Depuis 2005, les employeurs du public contribuent au Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), s'ils n'atteignent pas 6% de taux d'emploi. 
Un autre est d’avoir transposé la directive européenne de 2000 sur l’égalité de traitement dans l’emploi et le travail afin d’intégrer dans notre droit la notion d’aménagement raisonnable, qui impose aux employeurs l’adaptation du poste de travail aux besoins spécifiques de la personne. Cependant, l’employeur peut s’opposer à ces exigences en cas de charges démesurées. La seule manière de faire appliquer ce principe est d’aller devant les tribunaux, mais cette législation est vague, et il y a très peu de recours. Un travailleur handicapé qui a peiné à trouver un emploi ne va pas assigner son employeur en justice. 

Les travailleurs handicapés ne sont donc pas davantage protégés que les autres actifs ? 

A. de B. : Non. Certes, il existe des financements pour compenser leur handicap mais ceux-ci ne couvrent pas la totalité de l’adaptation des postes de travail. Par ailleurs, si en théorie les médecins du travail doivent avoir une vigilance particulière quant à la situation des travailleurs handicapés, ces derniers pâtissent comme les autres du manque général de moyens des services de santé au travail. Il  y a toujours beaucoup de licenciements pour inaptitude de salariés en situation de handicap ou souffrant d’une maladie invalidante. Sur ce sujet, peu de choses semblent avoir changé depuis 2005, et  comme ces licenciements ne sont ni quantifiés ni analysés, il est difficile d’avancer. Pour améliorer la situation des salariés handicapés, il est essentiel d’améliorer les politiques de maintien en emploi et de lutte contre la désinsertion professionnelle. Aujourd’hui, les politiques de santé au travail n’intègrent toujours pas suffisamment le handicap. 

D’après une étude de la Dares, les travailleurs handicapés sont surexposés aux risques professionnels. Cela vous surprend-il ? 

A. de B. : Les travailleurs handicapés se mettent la pression car ils veulent conserver leur emploi. Ils multiplient donc les efforts afin de ne pas être discriminés, ce qui les amène à s’autocensurer. Quand ils ne se sont pas déclarés, ils attendent le plus tard possible pour le faire, ce qui peut entraîner davantage d’accidents ou une aggravation de leur état de santé. Dans les entreprises, les accords « handicap » sont de qualité très variable. Ils prennent difficilement en compte toute la diversité des handicaps et se focalisent davantage sur l’accès à l’emploi que sur le maintien en emploi. 

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