Des pompiers peu protégés face aux fumées d'incendie
La France peine à reconnaître les risques toxiques auxquels sont exposés les sapeurs-pompiers. En outre, elle n'investirait pas suffisamment dans la prévention. Témoignage d'un responsable syndical de la profession.
Frédéric Monchy est déçu. Vice-président du Syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels (SNSPP-PATS), il espérait que la surmortalité par cancer des soldats du feu serait prise en compte à sa juste mesure par les autorités françaises. En septembre dernier, un rapport réalisé par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) avait sonné l'alarme et mis en lumière la toxicité des fumées d'incendie1 . Mais selon Frédéric Monchy, "ce dossier fait peur : la France n'a pas envie d'aller trop loin dans l'identification de ces cancers, car il faudrait alors procéder à la reconnaissance de maladies professionnelles et indemniser à la hauteur des dommages subis".
Une prévention jugée "trop light"
Le dossier avance néanmoins : en mars, le gouvernement a saisi Santé publique France, afin d'analyser "les données disponibles sur la morbidité et la mortalité" des pompiers, ainsi que l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), en vue d'évaluer tous les risques sanitaires auxquels ils sont exposés et d'en tirer "des recommandations pour une approche préventive globale".
En avril, la direction générale de la Sécurité civile et de la Gestion des crises a adressé un guide aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), avec de nouvelles doctrines professionnelles, indiquant les mesures de protection à mettre en place. Mais le contenu est jugé "trop light" par le vice-président du SNSPP-PATS. Selon lui, le guide n'interdit pas clairement le retour des équipements de protection individuelle souillés au domicile et n'impose pas l'utilisation de matériels spécifiques. "Il manque un cadrage national, résume-t-il. Par exemple, pour l'entretien des tenues de feu, le guide reste dans l'incitation. Si c'est une priorité pour le département, il prendra les mesures de protection, sinon..."
Ainsi, en Haute-Corse, plus de 360 000 euros ont été investis par le SDIS. Les tenues des 1 300 pompiers du département seront renouvelées progressivement d'ici à 2020 et de nouvelles règles ont été adoptées : après chaque intervention, le pompier doit effectuer le lavage de sa tenue selon des normes spécifiques. "Dans mon département, le Pas-de-Calais, on a aussi mis en place des procédés industriels pour le nettoyage des tenues, signale Frédéric Monchy. Mais dans d'autres, comme le Puy-de-Dôme par exemple, on en est encore à se demander comment les nettoyer !"
Pour le SNSPP-PATS, la carence française est d'autant plus flagrante que d'autres pays ont pris des mesures énergiques. En Belgique, l'intercommunale d'incendie de Liège et environs a conçu une nouvelle tenue d'intervention pour les pompiers. Des machines à lessiver industrielles ont été installées et des douches aménagées sur le chemin du retour d'intervention des pompiers. Le matériel souillé, comme les tuyaux et appareils respiratoires, est emballé après intervention, puis les sapeurs récupèrent du matériel propre. "Ces mesures ont un coût. En France, il est supporté par les collectivités territoriales et les SDIS, qui souvent n'ont pas les moyens de répondre à ces besoins", déplore Frédéric Monchy.
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Lire également "Des fumées qui inquiètent les pompiers", Santé & Travail no 101, janvier 2018.