Les principales mesures du rapport sur les arrêts maladie
Dans leur rapport sur les arrêts de travail, remis au Premier ministre le 20 février, les experts prescrivent vingt mesures pour « plus de prévention, d’efficacité, d’équité et de maîtrise ». La proposition d’un jour de carence non indemnisé pour tous fait débat.
Sans surprise, le jour de carence non indemnisé pour tous est, parmi les vingt mesures proposées par le rapport Plus de prévention, d’efficacité, d’équité et de maîtrise des arrêts de travail, celle qui fait le plus parler d’elle. La CGT, FO et la Fnath (Association des accidentés de la vie) crient à l’« aspect punitif », à une vision individualisée des arrêts maladie. « Qui peut ignorer que la réalité de l'entreprise et ses modes d'organisation ne génèrent que pénibilité et souffrance au travail? », réagit par exemple la CGT. Le rapport devait être rendu fin décembre dernier. L’actualité sociale et le mouvement des Gilets jaunes ont repoussé sa remise au 20 février. Car la question du premier jour d’arrêt maladie non indemnisé a toujours été sensible.
« Attention au coût du présentéisme »
« Attention au coût du présentéisme !, prévient Serge Volkoff, directeur de recherche associé au Centre d’études de l’emploi et du travail. Selon les études américaines, ce coût est largement supérieur à celui de l’absentéisme, car les gens viennent travailler malades. Cela peut entraîner des contagions dans le cas des maladies infectieuses, des performances moindres et un effet à retardement, d’ailleurs souligné par les rapporteurs. Les présentéistes finissent par être absents, et plus longtemps qu’ils ne l’auraient été s’ils avaient été arrêtés à temps. »
Les fonctionnaires ne sont plus indemnisés le premier jour de leur arrêt maladie depuis le 1er janvier 2018. Dans le privé, même si les salariés ont trois jours de carence, environ deux tiers d’entre eux sont couverts par des accords d’entreprise ou de branche qui leur permettent de ne pas subir une perte de rémunération trop importante. Un système jugé « inéquitable » par le Premier ministre, Edouard Philippe, dans sa lettre de mission. Il a confié la délicate besogne d’y remédier à Jean-Luc Bérard, DRH du groupe Safran, Stéphane Oustric, professeur de médecine à l’université de Toulouse, et Stéphane Seiller, conseiller maître à la Cour des comptes, ancien directeur de la branche risques professionnels de l’Assurance maladie de 2007 à 2011, puis directeur général du régime social des indépendants.
Mieux prendre en charge les salariés précaires
Conscients de la délicatesse de la question, les trois experts proposent que cet alignement par le bas soit envisagé seulement à condition de mieux prendre en charge les salariés les moins bien protégés, notamment ceux ayant moins d’un an d’ancienneté, les saisonniers et les intermittents, qui ne bénéficient pas du complément, octroyé par l’employeur, aux indemnités versées par la Sécurité sociale en cas d’arrêt maladie, qui permet d’atteindre 90 % de la rémunération brute le premier mois de l’arrêt, puis 66 % les trente jours suivants. Par ailleurs, la moitié des salariés seulement bénéficient d’une avance de la part de l’employeur en attendant les indemnités de la Sécurité sociale. Le rapport propose de généraliser cette avance.
Des visites de préreprise « le plus tôt possible »
Les rapporteurs évoquent également l’indispensable collaboration entre le médecin traitant, le médecin-conseil de l’Assurance maladie et le médecin du travail pour mieux préparer le retour à l’emploi dans les cas de longs arrêts maladie. « Il conviendrait de réaliser les visites de préreprise dès que le besoin s’en fait sentir […], le plus tôt possible, et au plus tard à l’issue d’un délai de trois mois », suggèrent les experts. Par ailleurs, ils mettent en avant la possibilité de reprendre plus tôt en télétravail, citant les exemples d’une entorse ou d’une fracture à consolider. Une alternative envisageable quand les tâches peuvent s’effectuer à distance, avec l’accord du médecin traitant et du salarié, ce qui serait a priori exclu en cas de souffrance au travail, notamment. Deux propositions qui, aux yeux de Serge Volkoff, « semblent pertinentes ».
Par ailleurs, « la mission propose de supprimer les obligations de présence au domicile ou de maintien dans la circonscription de la caisse primaire. Et elle appelle l’Assurance maladie à transformer son dispositif et réinvestir le contrôle des arrêts courts ». Elle considère que « le système des horaires de sortie autorisée ne présente aucun intérêt thérapeutique » et devrait être remplacé par des contrôles planifiés. Edouard Philippe a indiqué que ce rapport alimentera, comme le précédent signé de la députée Charlotte Lecocq, « une réflexion partagée » avec les partenaires sociaux ces trois prochains mois.
La prévention pour éviter les arrêts
Enfin, la mission insiste sur la nécessité, pour les entreprises, de s’engager résolument dans la prévention pour éviter les arrêts. Elle en a même fait son premier chapitre. « La pénibilité du travail augmente la probabilité de prescription d’arrêt maladie. Le taux d’absence passe de 2,5 % pour les salariés n’étant pas exposés à des contraintes physiques et psychosociales à 5,5 % parmi ceux qui cumulent trois contraintes physiques ou plus, et 7,5 % parmi les salariés exposés à trois contraintes psychosociales ou plus », constatent les rapporteurs. La mission liste ainsi plusieurs prérequis pour rendre une démarche de prévention efficace, comme « l’implication dans la durée de la direction générale de l’entreprise, le soutien des instances représentatives du personnel à la démarche, l’écoute des salariés par le management autour de la réalité de leur travail dans ses dimensions techniques, organisationnelles, et relationnelles ».
La mission recommande que l’Assurance maladie s’inspire des démarches des organismes de prévoyance complémentaire qui fournissent aux entreprises des profils simples de leur absentéisme comparativement à leur secteur d’activité, profils qui seraient transmis au comité social et économique (CSE). Les rapporteurs proposent également la mise en place d’un système obligeant les entreprises à un diagnostic des arrêts maladie, dans le respect du secret médical, avec, le cas échéant, la définition d’un plan de prévention, l’ensemble étant assorti d’une modulation du taux de cotisation maladie et d’une bonification pour les entreprises employant des populations susceptibles de subir un effet d’éviction (salariés âgés, en situation de handicap…).