Quel avenir pour l'expertise CHSCT ?
Les CHSCT abusent-ils de leur droit de recours à l'expertise, comme le dénoncent les milieux patronaux ? Avec l'augmentation des restructurations et l'émergence des risques psychosociaux, le nombre d'expertises CHSCT, environ 1 500 par an actuellement, a certes triplé depuis 2008. Pour autant, il reste limité au regard des 26 000 CHSCT aujourd'hui recensés.
Illusions d'optique. "Il faut se méfier des illusions d'optique, met en garde François Cochet, du cabinet Secafi. Une grande majorité des expertises ne sont pas conflictuelles et ne font pas parler d'elles. Celles qui donnent lieu à un contentieux déforment la réalité."
Le recours à l'expertise par les CHSCT reste encadré par la loi. Dans le cas d'une consultation des élus du personnel sur un projet de réorganisation, ou face à un risque grave, l'expertise "dresse des constats, pointe les responsabilités et propose des pistes d'amélioration", explique Jean-Louis Vayssière, du cabinet Syndex. "Elle participe ainsi à faire remonter dans la chaîne hiérarchique les questions du travail, pour mettre les conditions de celui-ci au coeur de l'organisation." Serge Dufour, du cabinet Aliavox, considère pour sa part que "le rôle des experts est avant tout de rééquilibrer la dissymétrie de moyens entre la direction et les élus du personnel"
Les directions sont particulièrement méfiantes à l'égard des expertises CHSCT pour risque grave. "Les salariés agissent comme lanceurs d'alerte et nous demandent d'étayer leur vision de la réalité", souligne Dominique Lanoë, du cabinet Isast. Dans des domaines sensibles, comme les risques psychosociaux, "l'expertise, en associant les salariés, crée parmi le personnel une attente, qui accroît la pression sur les décideurs, notamment dans des entreprises incapables d'envisager des organisations différentes", complète Catherine Allemand, de Syndex.
Le sort réservé au droit d'expertise CHSCT dans les projets de refonte du dialogue social inquiète les cabinets agréés, qui ont pris récemment des initiatives. Le 26 janvier, un Syndicat professionnel des experts agréés CHSCT a vu le jour, auquel ont adhéré un tiers des 90 cabinets concernés. Il entend "valoriser une activité d'expertise indépendante" tout en visant "à développer les bonnes pratiques et à participer à la régulation de l'activité". Parallèlement, le 2 février, s'est constituée l'Association des experts agréés et intervenants auprès des CHSCT. Son but : tirer la sonnette d'alarme sur les "menaces qui pèsent sur les acteurs de la prévention" et être "un lieu d'échanges entre ses adhérents, avec leurs mandants".