Quels leviers juridiques pour l'action ?
Est-il possible pour les salariés de refuser ce qu'on leur demande de faire s'ils le réprouvent ? Tout dépend de la situation. S'il s'agit de faire ce que par ailleurs la loi interdit - comme faire de la "remballe" dans les supermarchés ou déverser des eaux souillées dans la nature -, il va de soi que les salariés sont fondés à dire non. Le contrat de travail, tel que prévu par l'article L. 1221-1 (anciennement L. 121-1) du Code du travail, "est soumis aux règles du droit commun". En conséquence, son exécution ne peut avoir d'objet illicite, ce qui permet aux salariés de ne pas se soumettre à des prescriptions de l'employeur contraires, par exemple, au Code de la consommation. Encore faut-il que les salariés soient informés de ce qui est interdit ou prévu par la loi. Sinon, ils risquent des sanctions pour refus de travail.
Obligation générale. En revanche, quand l'entreprise, l'administration ou l'association fonctionne en mode dégradé et que, du fait de mauvaises conditions de travail, les salariés sont dans la situation de "bâcler le métier", quels sont les outils juridiques à leur disposition ? Ils ne peuvent guère compter que sur l'article L. 4121-1 (anciennement L. 230-2) du Code du travail, qui impose à l'employeur une obligation générale de protection de la santé mentale des travailleurs "par la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés". De nombreuses études indiquent des liens entre une dégradation de la santé mentale et le sentiment de mal faire son travail. Il reste donc aux salariés à s'organiser collectivement pour montrer, arguments à l'appui, qu'ils sont dans une situation intenable tant pour la production que pour leur santé. Et si c'était du ressort des syndicalistes ?
Enfin, certaines professions ont organisé leurs pratiques autour d'un code de déontologie. C'est le cas bien connu des médecins, dont les règles de déontologie sont inscrites dans le Code de santé publique, à valeur réglementaire. Mais c'est le seul cas. Le code de déontologie du Conseil international des infirmières n'a pas ce statut. Pourtant, il prévoit que "par l'intermédiaire de son organisation professionnelle, l'infirmière participe, dans le domaine des soins infirmiers, à la création et au maintien de conditions de travail équitables et sûres". Il y a là un espace de construction de normes professionnelles sur lesquelles les individus et les collectifs pourraient s'appuyer pour mettre en visibilité et éviter le "mal-travail".