Qui veut encore du rapport Verkindt sur les CHSCT ?

par Eric Berger / 10 mars 2014

Le rapport récemment rendu par Pierre-Yves Verkindt, professeur de droit, sur les évolutions souhaitables des moyens et missions du CHSCT contient des propositions novatrices. Mais il est loin de faire l’unanimité chez les partenaires sociaux.

A peine rendu public et déjà enterré ? Le sort réservé au rapport sur les CHSCT1, rendu récemment par le professeur de droit Pierre-Yves Verkindt et présenté le 28 février dernier au Conseil d’orientation sur les conditions de travail (Coct), semble pour le moins incertain. Commandé par le ministre du Travail, Michel Sapin, à l’issue de la conférence sociale de juin 2013, ce rapport devait « établir un état des lieux des forces et faiblesse de cette instance et envisager des pistes d’évolution ». La palette des sujets, très large (mode de représentation dans les petites entreprises, formation des membres, recours à l’expertise, modalités de désignation…), débouche sur une série de propositions. Mais les syndicats, présents à la réunion du Coct, demeurent perplexes.

Tout d’abord, la présentation du rapport n’a duré qu’une demi-heure. « L’ordre du jour était tellement dense que la présentation s’est faite au pas de course, regrette Jean-Marc Bilquez de Force Ouvrière. « Nous n’avons pas eu le temps de réagir et de débattre des propositions», déplore Alain Alphon-Layre de la CGT. La CFDT prend, elle, ses distances avec le rapport, non pas sur le fond des mesures proposées, mais sur l’opportunité de sortir un rapport sur la seule question du CHSCT, sans prendre en compte les évolutions récentes concernant l’articulation avec les autres instances représentatives du personnel. « Depuis la loi sur la sécurisation de l’emploi, le CHSCT et le CE sont au même niveau d’information  en disposant d’une base de données unique, explique Henri Forest de la CFDT. Ce rapport ne tient pas compte des changements issus des récentes réformes. »

Tensions

Quand reprendront les discussions sur le CHSCT ? Aucun rendez-vous n’a été pris. « Le contexte actuel, parasité, n’est pas du tout propice », souligne Jean-Marc Bilquez. De fait, l’après-midi du jour où a été présenté le rapport Verkindt, un clash a eu lieu entre les organisations syndicales de salariés et le Medef et la CGPME, lors de la présentation d’un document de synthèse sur la question de la gouvernance de la santé au travail, résumant des débats d’un groupe de travail du Coct. « Nous allons attendre que l’état de tension s’atténue avant de reprendre des discussions sur la base des propositions du rapport Verkindt », poursuit Jean-Marc Bilquez. Pour la CGT, le rapport va dans le bon sens. « Il est en phase avec les orientations de l’accord interprofessionnel sur la qualité de vie au travail », précise Alain Alphon-Layre. Quant aux représentants patronaux, ils ont tout simplement refusé de répondre à nos questions.

Que dit ce rapport ? Pierre-Yves Verkindt y réaffirme la nécessité d’avoir une véritable instance délibérant sur les questions de santé et de conditions de travail, rejetant notamment l’idée d’une fusion avec le comité d’entreprise. Il propose également une élection directe de ses membres. Le rapport veut faire du CHSCT un lieu de délibération et de discussion sur le travail réel « où se construisent des actions en faveur de l’amélioration des conditions de travail et la préservation corrélative de la santé des travailleurs ». Il suggère la mise à disposition des moyens supplémentaires (local, crédit d’heures supplémentaire), ainsi que des nouvelles règles de fonctionnement sur l’ordre du jour ou encore de nouvelles consultations obligatoires.

Plusieurs propositions sont consacrées à l’élargissement de l’horizon du CHSCT au-delà du seul critère du contrat de travail, « sans pour autant conduire à intervenir sur des terrains qui sont sans lien avec le travail ». Le rapport invite à privilégier, au niveau des branches, des expérimentations sectorielles ou territoriales de formes simplifiées d’institutions représentatives du personnel « en y incluant la spécialisation d’élus sur la santé et les conditions du travail ». Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les délégués du personnel pourraient ainsi exercer les missions du CHSCT en bénéficiant d’un droit à la formation et d’un complément d’heures de délégation.

Pierre-Yves Verkindt s’est enfin attaché à apporter des réponses pour les salariés des entreprises sous-traitantes. Il propose une information réciproque des CHSCT des entreprises contractantes, et sa formalisation dans le contrat servant de base à la sous-traitance. Au total, 33 propositions sont énoncées. Que va-t-il en rester ?

1. Le rapport et sa synthèse, intitulée « Les CHSCT au milieu du gué – trente-trois propositions en faveur d’une instance de représentation du personnel dédiée à la protection de la santé au travail », sont disponibles sur le site du ministère du Travail.