Radiographie du contentieux sur la faute inexcusable
En droit, la faute inexcusable est nimbée d’une aura particulière depuis les arrêts amiante de 2002, qui ont conduit à « redécouvrir » l’obligation de sécurité de l’employeur, oubliée depuis l’adoption de la loi de 1898 sur la réparation des accidents du travail. Sa reconnaissance offre un double espoir : aux victimes, celui d’une meilleure indemnisation, et aux observateurs du contentieux, celui d’efforts plus importants de la part des employeurs en matière de prévention.
Les décisions judiciaires portant sur cette faute inexcusable revêtent de tels enjeux qu’elles méritent d’être étudiées de manière approfondie (voir A lire). Ce sont d’abord des enjeux humains : il s’agit précisément de reconnaître l’existence d’un comportement fautif de l’employeur qui a entraîné le dommage dont souffre le salarié. Ce jugement porte en lui une charge morale symbolique très forte. Ce sont aussi des enjeux financiers : pour la victime, la reconnaissance d’une faute inexcusable permet le dépassement de l’indemnisation forfaitaire de l’accident du travail ; pour l’employeur, cette reconnaissance lui impose de payer personnellement les réparations allouées. Ce dernier a d’ailleurs la possibilité de s’assurer contre ce risque depuis 1987, ce qui peut apparaître contradictoire. Le législateur a ainsi fait le pari que les entreprises, pour éviter de régler des sommes importantes, vont privilégier les mesures de prévention, ce qui va entraîner une diminution des risques.
Délicat travail des juges du fond
Or, le contentieux de la faute inexcusable relève essentiellement de l’appréciation souveraine des juges du fond : il leur faut déterminer si la victime démontre que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle était exposée et s’il a pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Contrairement aux pratiques habituelles des chercheurs en droit qui consistent à examiner les arrêts rendus par la Cour de cassation, il s’est révélé nécessaire de suivre les débats menés devant les juges de première instance et d’appel, afin de comprendre comment est réellement appréciée la faute. Même chose avec les indemnisations allouées en cas de faute.
Cette recherche a permis d’objectiver, là encore du point de vue du droit, à quel point il est difficile, encore aujourd’hui, pour le salarié d’accéder à la précieuse reconnaissance, malgré les idées reçues selon lesquelles cela ne constituerait plus qu’une formalité.