Rapport Lecocq : au tour de la fonction publique !
par
Isabelle
Mahiou
/ 14 novembre 2019
Le rapport sur la santé au travail dans le secteur public, remis récemment au Premier ministre, entend mettre la prévention des risques au premier plan. Avec deux maîtres mots : mutualisation des moyens et alignement sur les standards du privé.
Mission Lecocq, saison deux. Un peu plus d’un an après avoir remis ses propositions sur une réforme d’ampleur de la médecine du travail, la députée LREM Charlotte Lecocq a réitéré l’exercice en s’attachant cette fois à la situation dans la fonction publique. Une tâche pour laquelle le Premier ministre l’avait à nouveau missionnée au printemps dernier. Le constat est sans appel : « S’attacher à garantir la santé et la qualité de vie au travail de nos agents est une réelle urgence », écrivent les rapporteurs, qui comptent, outre l’élue du Nord, la vice-présidente de la CFTC Pascale Coton et l’inspecteur des finances Jean-François Verdier.
Problèmes d’organisation et de management, manque de moyens, pénurie de médecins, confrontation à des situations de violence... le tableau est plutôt sombre. Et les rares indicateurs existants sont alarmants : un taux d’accident de travail (déclaratif) d’environ 9,5 % en 2016 ; un absentéisme à hauteur de 8,34 % (4,72 % dans le privé) ; des agressions verbales touchant 24,3 % des agents (12 % dans le privé). Le défi est d’autant plus grand que le secteur, en passe de connaître des réformes d’ampleur, est particulièrement concerné par le vieillissement de sa population et par les bouleversements de la numérisation. Or, selon les auteurs, « la politique de santé au travail dans la fonction publique n’est pas portée politiquement de façon suffisante ».
Problèmes d’organisation et de management, manque de moyens, pénurie de médecins, confrontation à des situations de violence... le tableau est plutôt sombre. Et les rares indicateurs existants sont alarmants : un taux d’accident de travail (déclaratif) d’environ 9,5 % en 2016 ; un absentéisme à hauteur de 8,34 % (4,72 % dans le privé) ; des agressions verbales touchant 24,3 % des agents (12 % dans le privé). Le défi est d’autant plus grand que le secteur, en passe de connaître des réformes d’ampleur, est particulièrement concerné par le vieillissement de sa population et par les bouleversements de la numérisation. Or, selon les auteurs, « la politique de santé au travail dans la fonction publique n’est pas portée politiquement de façon suffisante ».
Un plan santé au travail
Le scénario envisagé dans le rapport vise à « impulser une culture » de la prévention des risques professionnels comme « levier de performance du service public » et à favoriser les synergies tous azimuts, avec la volonté de rapprocher le niveau de l’offre de services de celui du secteur privé. Comment ? En définissant un plan santé au travail fonction publique, en cohérence avec celui décliné dans le secteur privé, inscrit dans la loi et présenté au Parlement, qui serait porté par une délégation interministérielle. A l’échelon local, le relais serait pris par les comités régionaux d’orientation des conditions de travail (Croct), instances consultatives placées auprès des préfets, avec la création d’un cinquième collège représentant les acteurs de la fonction publique. Cela « permettrait de favoriser les mutualisations et les synergies au sein du même versant ou entre les trois versants de la fonction publique, ou encore entre le secteur public et le secteur privé ».
« Partir du milieu professionnel »
Plus qu’un schéma organisationnel unique, les rapporteurs suggèrent de prendre en compte les réalités territoriales et de « soutenir les initiatives locales qui contribuent à mutualiser et optimiser l’offre en santé et en sécurité au travail ». Ils présentent plusieurs modèles rencontrés sur le terrain : offre départementale de services inter-fonctions publiques, création d’un service de santé au travail (SST) pour un groupement hospitalier de territoire, SST interentreprises ouverts aux agents du public. « Nous partageons les constats énoncés, explique Annick Fayard, secrétaire nationale de l’Unsa. Mais l’approche nous semble refléter surtout une volonté de réforme structurelle – faire converger les secteurs public et privé, mutualiser les moyens, harmoniser les pratiques – au lieu de poser la question des déterminants de la santé des agents, des facteurs qui interviennent et des réponses à apporter, dans une perspective de prévention primaire. » Même analyse à la FSU : « Il faut partir du milieu professionnel, insiste Hervé Moreau, secrétaire national. Il existe de grandes différences entre établissements, entre fonctions publiques et entre public et privé. Le risque, avec des médecins et préventeurs multitâches, est qu’ils soient déconnectés du milieu de travail. »
Simplifier l’obligation d’évaluation des risques
Onze recommandations précisent certains aspects du scénario proposé. Ainsi, pour renforcer l’engagement dans la prévention, il faudrait intégrer des critères de santé au travail dans l’attribution des dotations aux employeurs publics. Ce sujet devrait également être pris en compte dans la formation des cadres mais aussi dans tout projet de transformation – en étudiant l’impact des réorganisations sur les conditions de travail en amont. Cette préconisation recueille l’assentiment des syndicalistes, contrairement à une autre : la généralisation des cellules de lutte contre les risques psychosociaux pour accompagner les agents, managers et préventeurs. Comme dans le précédent rapport Lecocq, il s’agit aussi de « simplifier l’obligation d’évaluation des risques » en modifiant la réglementation pour faire du document unique un « plan d’action priorisé ». Le suivi en santé prendrait modèle sur le privé : pluridisciplinarité, appel aux médecins collaborateurs et à la télémédecine, règles de la surveillance médicale...
Participation des mutuelles au financement
Afin de stimuler l’investissement dans la prévention, il est question de faciliter la participation des mutuelles au financement d’actions. Cette participation pourrait même être un critère pour leur référencement dans la fonction publique. Une voie qui n’est pas sans risques, selon Annick Fayard, car elle sous-tend une forme de délégation de la responsabilité de l’employeur et peut entraîner des effets délétères tels que « l’exclusion d’agents dont les comportements ne sont pas bons pour leur santé – consommation de tabac, d’alcool, etc. ». Enfin, le rapport préconise d’explorer l’idée d’un système assurantiel des risques accidents du travail-maladies professionnelles qui soit incitatif, de type bonus-malus. « A l’instar du privé », là encore.
Plus généralement, les syndicalistes soulignent un hiatus. « D’un côté, on nous présente un projet pour renforcer la prévention ; de l’autre, avec la suppression des CHSCT, on restreint les possibilités d’action en santé au travail », déplore Hervé Moreau. Annick Fayard va plus loin : « La disparition de ces instances rend caduc l’accord de 2009 sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, qui les a créées. Nous souhaitons que le dialogue social soit la clé de voute de la santé au travail et que soit engagée une nouvelle négociation. »
Plus généralement, les syndicalistes soulignent un hiatus. « D’un côté, on nous présente un projet pour renforcer la prévention ; de l’autre, avec la suppression des CHSCT, on restreint les possibilités d’action en santé au travail », déplore Hervé Moreau. Annick Fayard va plus loin : « La disparition de ces instances rend caduc l’accord de 2009 sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, qui les a créées. Nous souhaitons que le dialogue social soit la clé de voute de la santé au travail et que soit engagée une nouvelle négociation. »