Un rapport sur les pesticides qui met le feu aux poudres
Face aux conclusions inquiétantes du rapport sur les expositions professionnelles aux pesticides rendu cet été par l'Agence nationale de sécurité sanitaire, des associations réclament un changement rapide des règles d'homologation des produits.
Le 25 juillet dernier, avec deux mois de retard dans la livraison, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a enfin rendu public son rapport sur les expositions professionnelles aux pesticides. Au même titre que la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, qui en a réclamé la remise, les associations parties prenantes ont eu officiellement accès à ce document, qui vise à identifier et évaluer les risques liés aux pesticides pour plus d'un million de travailleurs agricoles.
Ces dernières ont salué les recommandations formulées en toute indépendance par le groupe de travail de l'Anses, révélées dès avril par Santé & Travail1 . Néanmoins, le 30 août, les associations Générations futures, Alerte des médecins sur les pesticides et Phyto-Victimes ont apostrophé la direction de l'Anses et les ministères de tutelle pour "faire de ce rapport honnête un rapport utile". "Maintenant que le constat est fait, observe François Veillerette, porte-parole de Générations futures, il faut mettre en oeuvre tout un tas d'actions publiques pour que cessent les conséquences sanitaires dramatiques auxquelles sont confrontés les professionnels."
Outre la dangerosité des produits phytosanitaires et leur usage excessif, le groupe de travail a pointé la difficulté qu'il y avait à préserver efficacement les travailleurs des risques, notamment par le port d'équipements de protection individuelle (EPI), lequel devrait être ultime et non préventif. Les experts ont aussi déploré la nature trop orientée des formations mises en place pour les professionnels et l'absence de neutralité des recherches scientifiques disponibles.
Conflits d'intérêts supposés
L'essentiel des conseils et connaissances est en effet délivré par les industriels, en vue d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de leurs produits. Or, au nom du secret industriel, toutes les données ne sont pas communiquées. D'où un déficit de données scientifiques fiables, d'autant que la littérature internationale sur le sujet est peu prise en compte par les autorités pour établir des comparaisons. Face aux conflits d'intérêts supposés, "c'est l'ensemble du processus qui est à revoir, tant pour l'évaluation des expositions que pour l'homologation des produits et des combinaisons", insiste le Dr Pierre-Michel Périnaud, d'Alerte des médecins sur les pesticides.
Depuis juillet 2015, il revient à l'Anses d'attribuer les AMM des produits phytosanitaires. Les trois associations proposent donc que soit "constitué d'urgence" un groupe de travail au sein de la direction des Autorisations de mise sur le marché (Damm) de l'Anses. Avec pour objectif de "hiérarchiser les actions possibles dans le cadre national et celles nécessitant une modification du cadre européen".
"Il est inéluctable que les avis puissent diverger sur la priorité des actions à entreprendre", commente pour sa part Catherine Laurent, directrice de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), qui a présidé le groupe de travail de l'Anses. "Mais partir de constats partagés est un progrès significatif", ajoute-t-elle. Pour elle, il ne fait nul doute que les recommandations du rapport auront des conséquences.
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"Un rapport explosif sur les expositions aux pesticides", Santé & Travail n° 94, avril 2016.