" Recommandations sur le suicide au travail "
" Recommandations sur le suicide au travail " : tel est le titre, un tant soit peu incongru, d'un document rendu public en mai par la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps). Le texte ne manque pas d'interpeller.
Commençons par le positif. Rappeler que " le travail peut être un véritable facteur de risque de suicide, mais aussi un réel facteur de protection ", déconseiller toute intrusion dans la vie privée de la victime, affirmer que " "l'autopsie psychologique" n'est pas une démarche applicable par des intervenants en entreprise ", dont le rôle " n'est pas de rechercher l'imputabilité du suicide " : ces conseils sont bienvenus. On ne compte plus, en effet, les pratiques discutables de nombreux " docteurs ès risques psychosociaux " qui, une fois dans le monde de l'entreprise, oublient quelques fondamentaux déontologiques.
Avec les conseils " pour réduire la déstabilisation " des salariés après un suicide, ça se gâte. L'efficacité des pratiques de débriefing recommandées est largement remise en cause par les spécialistes. Le " soutien " psychologique est problématique en général, mais il l'est encore plus dans l'entreprise, où l'éventuelle stigmatisation de ceux qui ont besoin d'une telle prise en charge peut aggraver leur situation.
Là où les recommandations deviennent beaucoup plus discutables, c'est lorsqu'il est affirmé que l'intervenant doit " aider l'entreprise à comprendre "ce qu'un suicide nous dit du travail" ". En effet, si l'enjeu est de comprendre le travail, les travailleurs vivants ont des choses bien plus précises à faire entendre ; s'il s'agit d'améliorer les conditions de ce travail, le contexte dramatique d'un suicide n'est pas le plus favorable pour discuter du travail et de son organisation.
Toute la question est de savoir si cette démarche, qui s'adresse aux employeurs, ne vise pas d'abord à aseptiser les contradictions portant sur l'activité de travail, plutôt que de les travailler.