Réforme des retraites : les décrets sur la pénibilité mal accueillis
Les syndicats et associations de victimes jugent trop restrictifs les projets de décrets sur la pénibilité présentés à la suite de la réforme des retraites. Ces projets limitent en effet les possibilités de départ anticipé ouvertes par la loi.
Pénibilité : la réforme qui fait pschitt ", a dénoncé la Fnath (Association des accidentés de la vie) dans un communiqué à propos des projets de décrets relatifs au volet " pénibilité " de la loi sur la réforme des retraites. On se souvient pourtant que le président de la République avait promis des avancées sur ce sujet. La loi votée en octobre dernier a ainsi prévu le maintien du départ en retraite à 60 ans à taux plein pour les victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité permanente partielle (IPP) d'au moins 20 %. Avec des conditions plus strictes lorsque l'IPP se situe entre 10 et 20 %, et notamment l'avis d'une commission (voir article page 46).
Les effets différés sur la santé non pris en compte
Depuis, quatre projets de décrets ont été présentés aux organisations syndicales et aux associations de victimes du travail. Ils confirment le glissement opéré de la compensation de la pénibilité vers une prise en charge de l'incapacité et encadrent strictement l'accès au dispositif. L'un d'eux fixe ainsi à dix-sept ans la durée d'exposition à des facteurs de pénibilité requise lorsque le taux d'IPP est compris entre 10 et 20 %. " Fixer une durée minimum d'exposition aurait eu un sens si la loi sur les retraites avait prévu un départ anticipé pour les expositions professionnelles portant atteinte à l'espérance de vie. Cela n'en a plus aucun, sauf de fermer encore davantage le dispositif, dès lors que celui-ci est réservé aux seules personnes reconnues en maladie professionnelle ", tempête Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath.
Les syndicats de salariés partagent la même analyse. " Ce dispositif ne tient pas compte des effets différés, alors que certaines atteintes à la santé ne se déclarent qu'après 60 ans ", rappelle Henri Forest, secrétaire confédéral de la CFDT. Il juge par ailleurs trop longue la durée d'exposition de dix-sept ans. A la CGT, Mijo Isabey, secrétaire confédérale, souligne " l'injustice en matière d'accès à la retraite en bonne santé et de durée de retraite " que subissent les ouvriers, les infirmières, les travailleurs de nuit...
" De plus, déclare-t-elle, prouver les dix-sept ans d'exposition va relever du parcours du combattant pour les salariés ayant eu plusieurs employeurs et ne disposant pas des fiches individuelles d'exposition. " Organisations syndicales et associations déplorent de n'avoir aucun représentant dans les commissions qui auront à statuer sur les cas des salariés dont les taux d'IPP seront compris entre 10 et 20 %. Elles doutent que le chiffre de 30 000 bénéficiaires avancé par le gouvernement soit atteint.
" Mission impossible "
Si la liste des facteurs de pénibilité (contraintes physiques, environnement agressif, rythme de travail) contenue dans l'un des projets ne fait pas l'objet de contestation, en revanche, le texte concernant le Fonds national de soutien pour la prévention de la pénibilité provoque le scepticisme. Censé abonder des actions d'allègement ou de compensation de la pénibilité initiées par des entreprises ou des branches, ce fonds sera supprimé le 31 décembre 2013 ! " Avec un délai aussi court, c'est mission quasiment impossible ", souffle Henri Forest.
Un autre décret portant, lui, sur l'obligation de négocier la prévention de la pénibilité dans les entreprises serait en préparation au ministère du Travail. Selon l'hebdomadaire L'Express, il ne pourrait concerner que les entreprises employant un minimum de 40 % de leurs salariés sur des travaux pénibles. Dans l'entourage du ministre, on précise néanmoins que cette proportion n'est pas arrêtée.