"Repolitiser le débat sur les expositions"
"La crise de l'amiante a été un tournant dans la prise en compte de la santé au travail comme enjeu de santé publique. Cette crise a notamment permis la mise en place d'une expertise scientifique publique et indépendante, avec par exemple la création d'un département santé-travail à l'Institut de veille sanitaire en 1998, afin d'équiper la décision et de renforcer l'action de l'Etat. Pourtant, une forme d'inertie perdure. Les politiques de prévention sont mises en oeuvre par le ministère du Travail et par la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la Sécurité sociale. Or les représentants patronaux peuvent bloquer toute évolution favorable aux salariés, comme le montre l'absence depuis 1998 de nouveau tableau de maladies professionnelles. En outre, la dimension de plus en plus technique et scientifique des dispositifs publics de prévention peut être un piège pour les représentants des salariés, qui disposent de moins d'experts à leurs côtés que les industriels qui financent recherches et lobbying. Ils sont donc dans une position moins favorable pour négocier l'application de ces réglementations comme lorsqu'il s'agit de contrôler les expositions aux produits toxiques avec des valeurs limites. Il faudrait donc instaurer un new deal permettant de reconstruire un rapport de force plus favorable aux travailleurs, comme au moment de l'affaire de l'amiante, et réussir à repolitiser le débat sur les expositions des travailleurs aux risques professionnels."