Révision à la baisse du tableau "benzène"
Malgré l'hostilité des organisations syndicales, le ministère du Travail a publié un décret modifiant les conditions de reconnaissance des maladies du sang liées à des expositions professionnelles au benzène. Au risque de réduire les déclarations.
"Le ministère du Travail n'a jamais été aussi rapide pour publier un tableau de maladies professionnelles !" Ce commentaire amer d'un ancien membre de la commission maladies professionnelles1 résume le désappointement des syndicats, après la publication du décret du 15 janvier modifiant plusieurs tableaux, dont le n° 4 sur les maladies du sang provoquées par le benzène et ses dérivés.
"Nous n'étions pas demandeurs pour modifier le tableau n° 4, mais le ministère a expliqué que les maladies concernées ne correspondaient plus aux nomenclatures en cours. Il était donc justifié de les mettre en adéquation", raconte un représentant des organisations syndicales, membre de la commission. "Ce que nous ne savions pas, c'est que le fait de le redéfinir allait restreindre le champ des maladies prises en compte", poursuit-il.
Risque de confusion. Parmi les quatre types de pathologies indemnisées, l'ancien intitulé "leucémies" a été remplacé par "leucémies aiguës myéloblastiques et lymphoblastiques à l'exclusion des leucémies aiguës avec des antécédents d'hémopathies". "Au passage, les leucémies lymphoïdes chroniques ont été sorties de l'intitulé, déplore un représentant syndical. Nous ne disposons pas encore d'arguments suffisants pour les mettre en relation avec l'exposition au benzène. Or ce sont des affections fréquentes..." Le même problème s'est posé pour les lymphomes non hodgkiniens, pour lesquels le lien avec l'exposition au benzène n'est établi que par des articles scientifiques récents. Ces derniers n'ont pas été pris en compte par le ministère. Dans le même temps, des précisions ont été ajoutées, qui n'apportent rien au diagnostic, mais risquent d'entraîner beaucoup de confusion, selon les représentants des salariés. En revanche, l'énumération qu'ils demandaient pour les "syndromes myéloprolifératifs", afin de faciliter la délivrance des certificats médicaux par les médecins traitants, a été refusée.
Pour toutes ces raisons, les confédérations CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC et la Fnath (Association des accidentés de la vie) se sont prononcées à l'unanimité contre le nouveau tableau, que ce soit au sein de la commission maladies professionnelles ou de la CAT-MP2
"Notre but n'est pas de forcer la main à la Sécurité sociale, mais d'aider les victimes à faire reconnaître leurs droits, et les médecins traitants à pouvoir identifier et déclarer des maladies professionnelles", regrette ce représentant syndical. "Mais, ajoute-t-il, le ministère du Travail a annoncé, dans son plan santé-travail, vouloir diminuer de 20 à 30 % le nombre de maladies professionnelles. Comme certaines résultent d'expositions vieilles de trente ans, une telle déclaration ne peut avoir qu'un sens : réduire le nombre de maladies déclarables dans les tableaux."
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Cette commission, où siègent des experts et des représentants des syndicats, du patronat et de l'administration, est chargée de réviser les tableaux de maladies professionnelles.
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Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Caisse nationale d'assurance maladie, qui tient lieu de conseil d'administration de la branche AT-MP de la "Sécu".