Risque chimique : l'arrêt temporaire d'activité, une procédure alambiquée
Un décret du 28 septembre 2007 précise la procédure d'arrêt temporaire d'activité en cas d'exposition dangereuse à un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. Visite guidée du dispositif, qui tient de l'usine à gaz.
La loi du 17 janvier 2002 dite " de modernisation sociale " a ajouté une deuxième partie à l'article L. 231-12 du Code du travail : une disposition a été introduite qui permet à l'Inspection du travail de prononcer un arrêt temporaire d'activité en cas de persistance d'une situation dangereuse résultant d'une exposition à une substance chimique cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR). Ce n'est que le 28 septembre dernier qu'a été publié le décret n° 2007-1404, qui autorise l'application - très attendue - de cette nouvelle procédure.
Apparaissant comme le " prolongement " de l'arrêt de chantier de l'article L. 231-12 I, l'arrêt temporaire d'activité CMR de l'article L.231-12 II n'a pourtant pas grand-chose à voir avec le premier. Selon l'article L. 231-12 I, l'Inspection du travail peut, depuis 1992, prononcer un arrêt provisoire des travaux sur des chantiers du BTP en cas de risque de chute de hauteur, d'ensevelissement ou encore de risque lié aux opérations de retrait ou de confinement d'amiante. Il s'agit d'une procédure rapide et efficace, simple à mettre en oeuvre et très utilisée par l'Inspection du travail (2 500 à 3 000 arrêts de chantier sont prononcés chaque année). Elle consiste à rédiger sur feuillets autocarbonés une décision immédiatement exécutoire, qui soustrait sur-le-champ les salariés à la situation de risque constatée. Mais le dispositif d'arrêt d'activité CMR est bien plus complexe et ne fonctionne pas comme une procédure d'urgence.
Un champ d'application très restreint
Plusieurs conditions cumulatives sont nécessaires pour que les agents de l'Inspection du travail (inspecteurs et contrôleurs) puissent prononcer un arrêt d'activité.
En premier lieu, la procédure ne concerne que les agents CMR au sens de l'article R. 231.56, c'est-à-dire les 258 produits classés catégorie 1 (risque avéré) et catégorie 2 (risque probable) par l'Union européenne, ou des substances, préparations et procédés figurant dans un arrêté du 5 janvier 1993. Sont donc exclus les CMR classés en catégorie 3 (risque possible) par l'UE ; les agents classés cancérogènes avérés ou probables par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) mais dont la classification n'a pas été reprise par les directives européennes ; les agents cancérogènes reconnus comme tels par les tableaux de maladies professionnelles mais ne figurant pas sur la liste de CMR 1 et 2 établie par l'UE. Tel est le cas, par exemple, de la silice cristalline.
Par ailleurs, parmi ces CMR 1 et 2, seuls sont retenus ceux pour lesquels une valeur limite d'exposition professionnelle contraignante (VLEP, voir encadré page 46) a été définie (art. R. 231.58 du Code du travail). Soit six au total : le benzène, les poussières de bois, le chlorure de vinyle monomère, les composés du plomb, le N,N-diméthylacétamide, les fibres céramiques réfractaires.
Enfin, il faut que les VLEP des CMR puissent être contrôlées par des organismes agréés. Or, actuellement, seules quatre substances parmi les six énoncées ci-dessus peuvent faire l'objet d'un contrôle de la concentration dans l'atmosphère par un organisme agréé. Il s'agit du benzène, des poussières de bois, du chlorure de vinyle monomère et des composés du plomb. Au final, seuls les cas d'exposition à l'un de ces quatre agents, sur les 258 présentant un risque avéré selon l'Union européenne, pourraient conduire à un arrêt d'activité, en cas de constat répété de dépassement de la VLEP.
Un déroulement en quatre temps
La procédure d'arrêt d'activité, longue et compliquée, comprend quatre phases. Dans un premier temps, l'agent de l'Inspection du travail prescrit un contrôle du respect de la VLEP par un organisme agréé. L'employeur saisit l'organisme dans les quinze jours. Les résultats sont transmis à l'agent de contrôle dans les dix jours suivant leur réception. Si un dépassement a été constaté, l'employeur doit en informer le médecin du travail, le CHSCT, les salariés et le service prévention de la caisse régionale d'assurance maladie.
Deuxième étape, en cas de dépassement, l'agent de contrôle met en demeure le chef d'établissement de lui transmettre par écrit dans les quinze jours un plan d'action contenant les mesures correctives appropriées. Ce plan doit être établi après avis du médecin du travail et du CHSCT. L'agent de contrôle demande également à l'employeur de prendre des mesures de protection immédiates pour préserver la santé des travailleurs.
Puis, dans un délai de quinze jours à compter de la réception du plan, l'agent de contrôle adresse une nouvelle mise en demeure pour la réalisation du plan d'action et fixe un délai d'exécution.
Enfin, à l'issue du délai d'exécution, l'agent de l'Inspection du travail fait à nouveau mesurer la VLEP. Si un nouveau dépassement est enregistré, il peut, après avoir entendu le chef d'établissement, ordonner l'arrêt temporaire de l'activité.
Pour demander à reprendre l'activité, le chef d'établissement doit aviser l'agent de contrôle, par lettre recommandée avec accusé de réception, des mesures prises pour faire cesser la situation dangereuse. Dans un délai de huit jours, l'agent de contrôle se prononce en autorisant ou non la reprise.