Le risque chimique mal évalué
Peut mieux faire : selon une enquête menée par des inspecteurs du travail dans le cadre d'une campagne européenne, les entreprises du nettoyage et de la réparation automobile évaluent mal le risque chimique et la prévention reste lacunaire.
Fin 2010, inspecteurs et contrôleurs du travail ont visité près de 4 000 entreprises dans le secteur de la réparation de véhicules - garages et carrossiers - et dans celui du nettoyage. Objectif : dresser un état des lieux de la prise en compte, ou non, du risque chimique, et notamment des cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), particulièrement présents dans les produits utilisés par les travailleurs de ces deux secteurs. Benzène, peintures, gaz d'échappement ou poussières de ponçage constituent l'environnement des garagistes. Quant aux agents d'entretien, ils sont quotidiennement exposés aux solvants et aux molécules chimiques des produits nettoyants.
Cette initiative s'intègre dans une campagne menée partout en Europe et intitulée " Lieux de travail sains ". Les résultats des contrôles réalisés en France ont été publiés en mai par le ministère du Travail. Le bilan est loin d'être satisfaisant. Deux points positifs tout de même. Tout d'abord, près de neuf entreprises sur dix mettent à la disposition de leurs employés des équipements de protection individuelle adaptés. Ensuite, une majorité des entreprises qui ont utilisé des CMR et ont identifié ce risque recherchent des produits de substitution : 73 % dans le secteur du nettoyage, 52 % dans celui de la réparation de véhicules. Là où le bât blesse, c'est que le document unique d'évaluation des risques, censé identifier les CMR, est inexistant dans un garage sur trois et une entreprise de nettoyage sur quatre. Et lorsqu'il existe, il ne couvre pas forcément le risque chimique. Celui-ci, pointe le rapport, " n'est pris en compte que par environ 40 % des établissements. Les dispositions concernant la formation des travailleurs, la traçabilité des expositions sont insuffisamment respectées ". Quand le risque est appréhendé, tous les toxiques ne sont pas concernés : " Les fibres céramiques réfractaires (FCR), classées cancérogènes de catégorie 21 , présentes dans les freins et les embrayages, ne sont prises en compte que dans 4 % des situations rencontrées. "
Au centre des plans régionaux
Plus les entreprises sont petites, moins le risque est évalué. Celles ayant moins de 50 salariés n'ont pas de comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ce qui explique en partie cette situation. " Comme le risque chimique est à effet différé, il en existe aussi une mauvaise perception ", ajoute Mireille Jarry, de la direction générale du Travail (DGT). Les fiches d'exposition, qui facilitent le suivi médical, sont encore plus rares, quelle que soit la taille de l'établissement. Les inspecteurs du travail n'ont pu les consulter que dans un garage sur vingt et dans une société de nettoyage sur dix. L'absence de formation et d'information des travailleurs demeure encore la règle dans 53 % des entreprises de nettoyage et 97 % des garages !
Quelle suite sera donnée à ce rapport ? " La DGT a demandé à ce que le risque chimique soit placé au centre des plans régionaux de santé au travail pour la période 2011-2014 ", assure Mireille Jarry. Les contrôles étant d'abord destinés à sensibiliser les employeurs, les lacunes constatées n'ont donné lieu qu'à de très rares procès-verbaux. Les entreprises qui ont déjà été contrôlées ont cependant davantage tendance à établir un document unique quand il n'existe pas et à prendre en compte le risque chimique.
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Substances pour lesquelles existe une forte présomption d'effet cancérogène.