Risques professionnels : une fiche chasse l'autre
Le jour même où étaient publiés les textes sur la médecine du travail, deux autres décrets et un arrêté apportaient des précisions sur un dispositif introduit dans la réforme des retraites de 2010 : la fiche individuelle de prévention des expositions aux facteurs de pénibilité. Ce nouveau document doit mentionner, pour chaque travailleur concerné, les facteurs de pénibilité au poste de travail, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue, ainsi que les mesures de prévention mises en oeuvre par l'employeur.
Manquements sanctionnés
Seulement voilà, sa mise en place entraîne la disparition de l'ancienne fiche d'exposition individuelle à des agents chimiques dangereux, dont les cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR). Censée aider l'employeur à évaluer ces risques, cette dernière devait également favoriser le suivi médical postprofessionnel des salariés exposés. C'est à partir de cette fiche qu'était établie l'attestation d'exposition remise au travailleur à son départ de l'entreprise. Un document précieux, donc, mais rarement rempli par les employeurs. " Les textes n'avaient prévu aucune sanction spécifique en cas de manquement, souligne Nicolas Sandret, médecin-inspecteur du travail. La nouvelle fiche de pénibilité prévoit une amende de 1 500 euros par fiche manquante et 3 000 euros en cas de récidive. "
Toutefois, certains professionnels sont réservés sur le contenu de la nouvelle fiche. L'ancien document commandait d'indiquer précisément les caractéristiques de chacun des agents chimiques dangereux utilisés ainsi que tout un ensemble de données (valeurs limites d'exposition professionnelle des produits, périodes d'exposition, autres risques ou nuisances d'origine chimique, physique ou biologique du poste de travail, dates et résultats des contrôles de l'exposition individuelle, durée et importance des expositions accidentelles...). Dans la nouvelle fiche, le risque chimique est dilué dans un ensemble de facteurs de pénibilité : manutentions manuelles, postures pénibles, vibrations mécaniques, bruit, températures extrêmes, travail de nuit, travail en équipe, travail répétitif. D'autre part, les agents chimiques ainsi que les poussières et fumées sont regroupés dans une catégorie globale, où les caractéristiques de chaque produit n'ont pas à être détaillées. " Comment garantir une bonne traçabilité des expositions avec ce niveau d'information ? ", s'interroge le Dr Alain Carré, d'un syndicat CGT des médecins du travail.