Risques professionnels : fonctionnaires à la peine
Pour la première fois, l'enquête Sumer permet de comparer les conditions de travail des salariés du privé et des agents des trois fonctions publiques. Surprise ! Les seconds ne sont pas mieux lotis que les premiers, loin s'en faut.
Qu'elle semble décalée, l'image caricaturale du "petit travail tranquille" du fonctionnaire ! A éplucher les résultats de l'édition 2010 de l'enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels)1 , on est frappé par les mauvais scores obtenus par la fonction publique hospitalière (FPH) et la fonction publique d'Etat (FPE). A tour de rôle, leurs agents respectifs dépassent la moyenne des expositions ou des contraintes de l'ensemble des salariés, tous secteurs publics ou privés confondus. Avec une mention spéciale pour les hospitaliers, qui remportent souvent la palme sur de nombreux facteurs de risque mesurés par l'enquête. Seule la fonction publique territoriale (FPT) tire son épingle du jeu et obtient des résultats meilleurs que la moyenne.
Ainsi, s'agissant des contraintes horaires, 15 % de tous les salariés travaillent la nuit et 16 % travaillent en équipes (2 x 8, 3 x 8 ou autres). Dans la FPH, ces chiffres grimpent à plus du quart pour le travail de nuit et à près de 45 % pour le travail posté. Les agents de la FPE sont, quant à eux, davantage exposés aux semaines de travail longues : 23 % ont travaillé plus de 40 heures la semaine précédant l'enquête, contre 18 % pour l'ensemble des salariés. Ils sont également 25 % à être soumis à des astreintes, contre 10 % pour la population générale de l'enquête.
Forte demande psychologique
Du côté de l'intensité du travail, chaque secteur a ses spécificités. Dans l'industrie, la moitié des salariés sont exposés à au moins trois contraintes de rythme. Dans la FPE et la FPH, c'est le morcellement de l'activité qui domine : près des deux tiers des agents doivent fréquemment interrompre une tâche pour en faire une autre, non prévue.
C'est aussi dans le secteur hospitalier que la demande psychologique est la plus forte. Toutefois, la latitude décisionnelle y est importante, ce qui jugule sans doute les effets néfastes à long terme de cette forte demande. Les salariés du tertiaire sont également dans cette configuration. En revanche, les salariés de l'industrie cumulent une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle, ce qui est très défavorable en termes de risques pour la santé psychique.
Toujours au chapitre des risques psychosociaux, l'enquête Sumer fournit des résultats intéressants sur le sentiment qu'ont les salariés de pouvoir exécuter leur travail correctement. Les agents de la FPE et de la FPT se plaignent plus souvent de manquer d'informations (respectivement 21 % et 17 %) ou de ne pas disposer de moyens adaptés (18 % et 22 %). Et, après plusieurs années de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, il n'est pas surprenant de constater que les agents des trois fonctions publiques déclarent, davantage que les salariés du privé, ne pas avoir un nombre suffisant de collègues ou de collaborateurs.
Enfin, on retiendra que les travailleurs de la construction et de l'agriculture sont les plus exposés à au moins une contrainte physique intense (contrainte posturale, manutentions manuelles, station debout ou piétinement...), talonnés de près par ceux du commerce et des transports ainsi que par les hospitaliers.
Si l'on rapproche ces chiffres d'une étude sur l'absentéisme2 , laquelle montre qu'il n'y a pas de différence significative en termes d'arrêts de travail entre les agents titulaires de la fonction publique et les salariés en CDI depuis plus d'un an, on en conclut qu'il ne reste plus d'arguments pour fustiger un quelconque statut privilégié des fonctionnaires.
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Voir "Les risques professionnels en 2010 : de fortes différences d'exposition selon les secteurs", Dares Analyses n° 10, février 2013. Pilotée par la direction de l'Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares), l'enquête Sumer a été menée par 2 400 médecins du travail auprès de 48 000 salariés.
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Voir "Les absences au travail des salariés pour raisons de santé : un rôle important des conditions de travail", Dares Analyses n° 9, février 2013.