Le Roundup ferait-il tourner la science en bourrique ?
Le Roundup ferait-il tourner la science en bourrique ? Il y a près d'un an, le glyphosate, principe actif du fameux désherbant commercialisé par le géant américain Monsanto, était classé par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), instance de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), comme cancérogène "probable". Depuis, le monde des phytosanitaires s'est affolé. Et avec lui, celui de la sécurité sanitaire. Très vite, l'OMS a subi de fortes pressions de la part de Monsanto pour revenir sur le classement. Puis l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a confié à un institut fédéral allemand une réévaluation des risques liés à l'usage du glyphosate. Et là, surprise : cet institut écarte tout potentiel cancérogène du glyphosate et va jusqu'à demander de relever de 60 % les seuils d'exposition. Les scientifiques auraient-ils perdu la tête ? Il n'en est rien. Le différend porte sur les recherches prises en compte dans le processus d'évaluation du risque. Dans le cas de l'Efsa, il s'agit d'études toxicologiques principalement fournies par les industriels fabriquant les pesticides, non rendues publiques pour des raisons de secret commercial et donc suspectées d'être orientées. Dans le cas du Circ, l'évaluation des experts est fondée sur des études toxicologiques et épidémiologiques publiées, pour la plupart, dans des revues scientifiques anglo-saxonnes "à comité de lecture exigeant"... Mais elles ne sont pas prises en compte par l'Efsa au motif que, même si la solidité des résultats est reconnue par la communauté scientifique, ces études ne respectent pas les critères de bonnes pratiques de laboratoire (BPL) reconnus par l'industrie. Une position qui reste discutable au plan scientifique et qui a bien du mal à masquer les énormes enjeux économiques autour du numéro un mondial des produits phytosanitaires. Et, plus largement, autour d'une industrie de moins en moins en phase avec les enjeux écologiques et de santé publique, voire avec les intérêts économiques des agriculteurs.