Salariés exposés, Trigano condamné
Le constructeur ardéchois Trigano VDL et son directeur ont été condamnés pour n'avoir pas respecté leurs obligations de sécurité. Partie civile, le syndicat CGT s'est vu allouer des dommages et intérêts.
C'est avec soulagement que les militants du syndicat CGT ont accueilli le 13 mars dernier la sentence du tribunal correctionnel de Privas (Ardèche) à l'encontre de leur directeur général et de la société Trigano VDL. Le dirigeant était inculpé, d'une part, de blessures involontaires avec incapacité temporaire totale (ITT) de plus de trois mois par "violation manifestement délibérée d'obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail" et, d'autre part, d'emploi de travailleur dans un local pollué sans respecter les règles de sécurité en matière d'aération. Il a été condamné à trois mois de prison avec sursis ainsi qu'à une amende de 1 000 euros par salarié exposé. Déclarée coupable de blessures involontaires sur un salarié reconnu en maladie professionnelle, l'entreprise a écopé d'une amende de 30 000 euros.
Injonctions ignorées
Quant au syndicat CGT, qui s'était constitué partie civile, il s'est vu allouer la somme de 9 000 euros au titre de dommages et intérêts. Par cette décision, "le tribunal a reconnu l'importance des organisations syndicales en matière de prévention des risques professionnels", commente Me François Lafforgue, qui a représenté le syndicat et le salarié victime de maladie professionnelle dans ce procès en correctionnel.
Pendant des années, les représentants du personnel de la CGT Trigano VDL avaient en vain mis en garde leur entreprise sur les risques encourus par les salariés. La société ardéchoise utilisait en effet une substance contenant du toluène, le blaxon, pour assurer l'étanchéité des caravanes et des camping-cars qu'elle construit. Exposés à des brouillards toxiques lors des pulvérisations du produit, plusieurs ouvriers s'étaient plaints de maux de tête et de troubles digestifs. Grâce au travail d'évaluation des risques de la CGT, aidée par le toxicologue Henri Pézerat, l'agent chimique en cause avait pu être identifié. Un salarié avait ainsi été reconnu en maladie professionnelle.
Alertée par le syndicat, l'inspectrice du travail avait, dès 2001, demandé à l'entreprise d'assurer la protection de ses salariés en prenant une série de mesures : dispositif d'aspiration à la source, équipement de protection individuel adéquat, formation et information des salariés, établissement de fiches d'exposition, organisation d'une surveillance médicale particulière... Constatant que ses injonctions restaient sans effet, l'Inspection du travail avait adressé au parquet de Privas, fin 2005, un procès-verbal relevant l'ensemble des infractions à la santé et à la sécurité. "Dès que l'Inspection du travail dresse un procès-verbal, les organisations syndicales devraient se porter partie civile", recommande Guy Rousset, secrétaire du CHSCT de Trigano VDL. "Sans cet appui, les procureurs classent encore trop souvent l'affaire sans suite", précise-t-il.
Après la condamnation récente d'Alsthom pour non-respect de la législation sur l'amiante, ce jugement en matière de risque chimique a le mérite de rappeler aux dirigeants d'entreprise que la prévention des risques professionnels est une obligation. Faute de quoi, ils s'exposent à de lourdes sanctions...