Les semaines à rallonge augmentent le risque d’AVC
Comme pour inviter les entreprises à ménager leurs salariés en cette rentrée, la revue médicale britannique "The Lancet" a publié les résultats d’une étude épidémiologique montrant que les longues semaines de travail favorisaient les accidents vasculaires cérébraux.
Une étude de l’université de Londres, dont les résultats sont parus dans la revue médicale britannique The Lancet le 20 août, établit pour la première fois le lien entre maladies cardiovasculaires et horaires de travail.
L’analyse porte sur des données collectées par différents chercheurs pendant près de huit ans sur un échantillon total de plus de 600 000 salariés d’Europe, d’Israël, d’Australie et des Etats-Unis.
Ainsi, par rapport à une durée de travail hebdomadaire de 36 à 40 heures, le risque d’AVC progresse de 10 % pour une durée de 41 à 48 heures, de 27 % pour une durée de 49 à 54 heures et de 33 % pour une durée de 55 heures et plus. Le pays d’origine et le sexe des salariés ne modifie pas les résultats.
Pas d’antécédent de pathologie cardiovasculaire
Les chercheurs ont pris la précaution de s’assurer qu’aucun des salariés n’avait déclaré de pathologie cardiovasculaire auparavant. En revanche, ils peuvent avoir d’autres problèmes de santé. C’est pourquoi les personnes qui travaillent moins de 35 heures par semaine ont 20 fois plus de risque d’AVC que la normale. « Ces salariés ont déjà un problème de santé et bénéficient d’un temps de travail aménagé », explique Archana Singh-Manoux, épidémiologiste de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui a participé à l’étude.
Les résultats sont pondérés selon l’âge et prennent en compte d’autres facteurs de risque bien connus, comme la sédentarité ou encore la consommation de tabac ou d’alcool, plus importante chez les personnes qui travaillent de longues heures. Enfin, le risque de développer une maladie coronarienne diffère selon la catégorie socioprofessionnelle, touchant davantage les salariés faiblement qualifiés.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 8,7 % des salariés travaillent en France plus de 50 heures, contre 5,6 % en Allemagne et seulement 1 % aux Pays-Bas.
COMPTE PÉNIBILITÉ : VERS UNE REDÉFINITION DU TRAVAIL RÉPÉTITIF
A peine entré en vigueur au 1er janvier dernier, le compte pénibilité a été substantiellement remodelé. Dans un effort dit « de simplification et d’accompagnement » du compte pénibilité, le législateur a ainsi fait disparaître la fiche individuelle de prévention. L’employeur se contentera de déclarer à la caisse de retraite quels sont les salariés exposés, puis la caisse informera ces derniers de leur exposition. Certains ont dénoncé l’usage d’un « cavalier législatif » au cœur de l’été, car les dispositions ont été introduites dans la loi sur le dialogue social votée 23 juillet et promulguée le 18 août.
En parallèle, le gouvernement a chargé Hervé Lanouzière, directeur général de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), de redéfinir le travail répétitif, un des facteurs de troubles musculo-squelettiques (TMS). Selon la définition actuelle du Code du travail (art. D. 4121-5), jugée trop imprécise par les entreprises, « le travail répétitif est caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence contrainte, imposé ou non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini. » Les seuils de pénibilité retenus dans les décrets sont un temps de cycle inférieur ou égal à une minute, ou 30 actions techniques par minute avec un temps de cycle supérieur à une minute, pendant au moins 900 heures par an.
Tenir compte de « la réalité du travail »
La lettre de mission exprime le besoin d’une définition « opérationnelle plus satisfaisante » de la répétitivité, qui permette de dire « de façon simple quels sont les salariés qui y sont exposés » et tienne compte de « la réalité du travail dans les entreprises industrielles ». Pour l’ergonome Michel Sailly, « tout le milieu industriel est dépendant du cycle des machines. Ce qui importe, c’est de réduire l’engagement des postes, car il arrive que le temps opératoire effectif soit supérieur au temps de cycle prévu, ce qui oblige les opérateurs à forcer l’allure ». La régulation peut passer par plusieurs dispositifs organisationnels, comme la polyvalence ou encore la transparence. « Chez Renault, à Flins, le système de recueil et de traitement des problèmes de travail s’avère très efficace », note l’ergonome. Toyota fonctionne aussi avec « un temps collectif de discussion sur le travail » ; par ailleurs, si un des secteurs doit s’arrêter pour cause d’incident, « ça ne stoppe pas toute la chaîne, ce qui réduit le stress ».
Les propositions d’Hervé Lanouzière étaient attendues pour aujourd’hui, 31 août. Elles seront rapidement suivies d’un décret d’application.
– La revue Travail et Changement, publiée par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), consacre son 360e numéro au thème Travailler avec une maladie chronique évolutive. Ce numéro revient sur la multiplication de ce type de pathologies dans la population active (20 %) et l’impératif de mettre en œuvre des politiques collectives.
– Dans son article « Modernisation de l’agriculture et santé mentale : les contradictions au travail » (Pistes, avril 2015), Philippe Spoljar analyse les facteurs de risques professionnels qui impactent la santé mentale des agriculteurs, en particulier les éleveurs.
– Prévention du risque amiante dans la fonction publique : une circulaire du 28 juillet 2015 de la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, fait le point sur le diagnostic, les dispositifs de prévention, de traçabilité des expositions et de suivi médical.