SNCF : la Cour d’appel confirme la faute inexcusable pour un suicide

par Eliane Patriarca / 17 décembre 2024

« Faute inexcusable de l’employeur » : la responsabilité de la SNCF dans le suicide d’un cheminot, survenu en 2018 en plein conflit autour de la réforme de la SNCF et de l’ouverture à la concurrence, a été confirmée en appel le 10 décembre 2024. Comme le tribunal judiciaire de Saint-Quentin en mai 2023, la Cour d’appel d’Amiens a estimé que la SNCF avait ignoré les alertes lancées par le cheminot de 26 ans sur sa souffrance au travail et n’avait pas pris les mesures de prévention adaptées. 
Embauché en 2012 à la SNCF, Julien Piéraut travaillait à la maintenance des TGV au technicentre de Pantin (Seine-Saint-Denis), soit à une heure et demie de route de son domicile dans l’Aisne. Ouvrier discret, passionné de mécanique, il supportait de plus en plus mal ses conditions de travail épuisantes : l’éloignement géographique entre domicile et technicentre conjugué à une organisation en 3 x 8 heures mais l’obligeaient à partir de chez lui à 3 heures du matin et lui imposaient plus de trois heures de trajet quotidien en voiture. Sa santé physique et mentale avait commencé à se dégrader. Son salaire d’agent d’exécution ne lui permettait pas de déménager pour un logement à proximité de Pantin. Mais ses demandes répétées de mutation, ou de changements d’horaires pour un travail en journée, avaient été rejetées, tout comme celles d’un logement SNCF en région parisienne. 
Quelques mois avant sa mort, l’employeur avait au contraire réussi à lui imposer un nouveau poste, avec un roulement en 3 × 8 heures mais cette fois 7 jours sur 7, le privant ainsi de ses week-end. Le cheminot avait glissé dans un engrenage de souffrances et tensions au travail, multipliant retards et arrêts maladie. Jusqu’au désespoir.  Le 21 mai 2018, à l’aube, Julien Piéraut était parti travailler mais avait garé sa voiture à mi-chemin puis s’était allongé sur les rails, juste avant le passage d’un train. 

Manque d’information sur les accidents du travail

Son suicide est le 4e suicide reconnu en accident du travail à la SNCF depuis le début des années 2000, selon SUD-Rail. Depuis 2011, la direction de la SNCF a cessé de fournir aux syndicats et représentants du personnel le nombre de suicides dont elle a connaissance. En avril 2017, les quatre syndicats représentatifs (CGT, Unsa, SUD et CFDT) avaient lancé une alarme sociale face à « un nombre exceptionnel de drames, accidents graves du travail ou suicides » survenus depuis le début de l’année. Grâce aux CHSCT, SUD-Rail et de la CGT avaient recensé 57 suicides d’agents SNCF rien que sur l’année 2017. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les CHSCT ayant disparu, les syndicats n’arrivent pas à collecter et coordonner les informations et la direction reste muette sur le sujet.