Le sort peu enviable des ouvriers intérimaires
Les ouvriers intérimaires sont fortement exposés à des contraintes physiques et subissent des rythmes de travail élevés. Mais cela tient davantage à leur métier qu’à leur statut, précisent les auteurs d’une étude conduite par le ministère du Travail.
Eux aussi mériteraient le titre de « cumulards ». Seulement, pour les ouvriers intérimaires, il ne s’agit pas d’additionner les fonctions et les traitements qui vont avec, mais les risques professionnels. Selon une étude1 publiée dernièrement dans Dares analyses par la direction de l’Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail, les ouvriers intérimaires sont très fortement exposés à des contraintes physiques et soumis à un rythme de travail élevé. Ainsi, 42 % d’entre eux travaillent debout au moins 20 heures par semaine, contre 39 % pour l’ensemble des ouvriers. De même, la manutention manuelle de charges lourdes plus de 20 heures par semaine concerne 22 % des intérimaires, contre 12 % pour l’ensemble des ouvriers. Le rythme de travail des ouvriers intérimaires apparaît également plus contraint, puisque 51 % d’entre eux sont soumis à au moins trois contraintes de rythme, contre 42 % pour l’ensemble des ouvriers. Ces résultats « s’expliquent toutefois davantage par les caractéristiques des métiers qu’exercent les intérimaires que par leur statut d’intérimaire », écrivent les auteurs de l’étude, Thomas Coutrot et Martine Léonard. Notamment dans la construction et la logistique : « A métiers identiques, l’écart n’est pas statistiquement significatif », notent-ils. Il en est de même pour les nuisances sonores. S’ils sont 20 % à être exposés à un bruit supérieur à 85 décibels plus de 20 heures par semaine, contre 15 % pour l’ensemble des ouvriers, l’écart n’est pas significatif lorsqu’on prend en compte le métier.
Sous-évaluation des expositions au risque chimique
En revanche, s’agissant du travail répétitif plus de 10 heures par semaine ou des vibrations des membres supérieurs (bras, épaules), les différences d’exposition entre ouvriers intérimaires et ouvriers sont, là, significatives « toutes choses étant égales par ailleurs » et au désavantage des premiers : 29 % contre 21 %, et 7 % contre 6 %.
Seul item plus favorable, l’exposition au risque chimique semble plus faible chez les ouvriers intérimaires que chez l’ensemble des ouvriers, avec 59 % de ces derniers qui sont exposés à un produit chimique au cours de leur dernière semaine de travail, contre seulement 45 % pour les ouvriers intérimaires. Même chose avec les produits cancérogènes, où l’on obtient un score de 25 % contre 19 %. L’explication est sans doute à rechercher dans la réglementation, selon les auteurs, puisque certaines expositions (amiante, chlorure de vinyle, cadmium, amines aromatiques, etc.) sont interdites aux intérimaires.
Toutefois, les auteurs affichent une grande prudence sur ces résultats. « Une autre interprétation est celle d’une sous-évaluation des expositions des travailleurs intérimaires par les médecins enquêteurs qui renseignent les expositions dans l’enquête Sumer2
. » Ils en ont une moins bonne connaissance que pour les autres salariés. Pour 7 % des ouvriers intérimaires, les médecins déclarent ne pas pouvoir renseigner la durée d’exposition (contre 3 % seulement pour l’ensemble des ouvriers). Même chose s’agissant de « l’intensité de l’exposition qui est non renseignée pour 23 % des intérimaires (contre 18 % pour l’ensemble des ouvriers) et l’information sur les protections collectives est absente pour 43 % des intérimaires (contre 25 %). » Et les auteurs d’en conclure que « ce constat laisse penser que les médecins du travail connaissent moins bien les expositions chimiques des intérimaires que celles des autres salariés : les intérimaires restent souvent peu de temps sur leur poste de travail, ce qui rend plus difficile une connaissance approfondie de leur situation concrète par les médecins ».
Enfin, on retiendra de cette étude que les ouvriers intérimaires sont soumis à une demande psychologique un peu moins élevée que les autres ouvriers et qu’ils ont moins de problèmes de reconnaissance. Mais, sans surprise, ils ressentent davantage l’insécurité socio-économique.
- 1Cette étude s’appuie sur deux enquêtes : l’enquête Sumer 2010 (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels), conduite par la Dares et l’Inspection médicale du travail, et l’enquête nationale Conditions de travail de 2013.
- 2Enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels.