Sortir du chantage à l'emploi
Avec la crise, le spectre du chômage et de l'exclusion sociale a permis aux entreprises d'instaurer un véritable chantage à l'emploi. Pour le conserver, des salariés ont souvent été contraints d'accepter une dégradation importante de leurs conditions de travail, au risque d'y perdre leur santé mentale et physique. Sur le thème " Quel autre modèle social pour sortir du chantage à l'emploi ? ", la seconde table ronde organisée lors des Rencontres de Santé & Travail a été l'occasion de débattre des alternatives permettant de sortir de ce chantage.
Transfert de risques. Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, et Marcel Grignard, secrétaire général adjoint de la CFDT, ont tous deux insisté sur le transfert massif de risques vers la solidarité nationale que constituent les plans sociaux. " La productivité horaire du travail en France est l'une des plus élevées du monde, car elle s'est faite sur l'exclusion du travail des moins rentables, comme les plus jeunes, les seniors ou les personnes malades ", a ainsi expliqué Maryse Dumas. L'individualisation croissante du travail et la mise en concurrence des salariés ont conforté un management par le risque. " Même le traitement social des salariés victimes de la crise consolide les inégalités sociales ", a renchéri Marcel Grignard. Les primes de licenciement, liées à l'ancienneté et au niveau de salaire, ou encore les contrats de transition sont réservés aux moins précaires des salariés. " Le premier plan social, c'est celui qui concerne les centaines de milliers de salariés intérimaires ou en CDD ", a-t-il ajouté.
Droit à la sécurité. Pour la représentante de la CGT, la sortie du chantage à l'emploi passera par la mise en place d'un droit à la sécurité de l'emploi. Les salariés et leurs représentants devraient pouvoir intervenir sur les stratégies de gestion des entreprises. Paul Calendra, ex-directeur des ressources humaines du groupe Thomson, a plaidé pour que le médecin du travail soit doté, dans le domaine de la santé, d'un statut proche de celui du commissaire aux comptes. Les chercheurs présents à la table ronde ont, eux, davantage insisté sur le modèle social, et notamment sur l'organisation des parcours professionnels. Bernard Gazier, professeur d'économie à Paris 1, a ainsi estimé nécessaire la prise en compte de l'articulation entre vie salariale et tâches socialement utiles. Christine Erhel, socioéconomiste, a également rappelé l'importance de pouvoir concilier les contraintes de vie hors emploi avec le travail salarial, et notamment la possibilité pour les femmes de bénéficier de modes de garde pour leurs enfants.