Vers un suivi du risque radioactif à France Télécom

par Clotilde de Gastines / juillet 2015

Exposés à la radioactivité de parasurtenseurs et à un risque de cancer, les lignards et agents des centraux téléphoniques de France Télécom-Orange doivent bénéficier d'un suivi médical adapté. L'opérateur téléphonique étudie la question.

Des agents de France Télécom-Orange ont bien été exposés à un risque radioactif significatif. C'est ce que confirme une expertise du cabinet Secafi, menée à l'initiative d'un CHSCT et dont Santé & Travail a rendu compte le 29 avril dernier sur son site Web (voir "Sur le Net"). Sont concernés les lignards et agents des centraux téléphoniques, et en cause des parasurtenseurs contenant des substances radioactives, toujours présents dans certaines installations. En seulement deux jours de travail, un opérateur qui manipule sans précaution ce type d'appareil dans un grand répartiteur téléphonique peut recevoir 1/60e de la dose annuelle maximale pour un travailleur exposé.

Maintenant que le risque est avéré, comment Orange, qui gère l'ancien réseau de téléphonie national, va-t-il retracer les expositions et organiser le suivi de tous les salariés concernés ? Et ce, qu'ils soient en activité, y compris chez les sous-traitants, ou à la retraite ? "Tous les dispositifs possibles sont à l'étude et la question était à l'ordre du jour du CNHSCT qui s'est tenu fin juin", déclare un porte-parole de l'entreprise, assurant que le dossier est suivi "au plus haut niveau". Sur le terrain, "les médecins du travail appliquent rigoureusement les matrices exposition-emploi dans les entités du groupe", ajoute-t-il.

Selon un fin connaisseur du dossier, qui souhaite rester anonyme, "France Télécom ne prendra probablement pas le risque d'affoler son personnel inutilement en menant une enquête par questionnaire". D'après lui, il serait plus judicieux que des professionnels de santé mènent des entretiens en tête à tête avec les salariés dans le cadre du secret médical. A condition qu'ils connaissent les activités exercées, le matériel utilisé, les pratiques professionnelles et la multiplicité des expositions possibles. Ils pourraient alors éclairer les salariés sur leur niveau de risque, puis remettre une attestation d'exposition et établir une stratégie de surveillance médicale.

Examens complémentaires

Les attestations d'exposition ouvriront la possibilité d'effectuer des examens médicaux complémentaires aux frais de l'employeur. "Pour le salarié, même faiblement exposé, la réglementation sur les rayonnements ionisants prévoit des examens complémentaires lors de la visite médicale annuelle : sang, urine et radiographie des poumons", explique Jean-Claude Zerbib, ancien ingénieur en radioprotection au Commissariat à l'énergie atomique. Un dispositif à compléter. Dans certains véhicules, les parasurtenseurs radioactifs étaient stockés sous le siège du conducteur. En fonction du type et du nombre de parafoudres, du temps passé à utiliser le véhicule, de la durée d'emploi dans la fonction, un dépistage des cancers des organes situés dans la zone corporelle exposée (rectum, testicules, prostate, vessie...) serait nécessaire. Dans le cas de parasurtenseurs à l'américium 241 défectueux ("fuyards" ou cassés), il faudrait aussi un dépistage de la contamination interne, en examinant notamment les selles : une fois déshydratées et brûlées, l'activité de leurs cendres peut être mesurée.

Reste la question du traçage des expositions passées, pas insurmontable. En 2011, le Groupement d'intérêt scientifique sur les cancers d'origine professionnelle (Giscop93) a pu reconstituer le parcours de polyexpositions de salariés du site de Riom-ès-Montagnes (Cantal) dans le cadre d'une précédente expertise de Secafi sur des cas de cancers liés aux parafoudres. Une démarche qui a déjà permis la reconnaissance de deux d'entre eux en maladies professionnelles.

En savoir plus
  • "Risque radioactif confirmé pour les lignards de France Télécom", par Clotilde de Gastines, avril 2015. A consulter sur www.sante-et-travail.fr