Le tableau n° 1 sur le saturnisme
De la cent-cinquantaine de tableaux que comptent aujourd’hui les régimes général et agricole de Sécurité sociale, le premier instauré en 1919 fait de l’intoxication par le plomb (saturnisme), pathologie du travail la plus répandue à l’époque, la maladie professionnelle par excellence. Durant un siècle, les ravages de ce toxique, en particulier dans l’industrie de la céruse, ont été dénoncés de façon récurrente. Dans les années 1900, la campagne de presse menée par les syndicats de peintres en bâtiment, grands utilisateurs de la peinture au plomb, a achevé de convaincre les médecins, l’opinion publique et les acteurs politiques des dangers de ce poison légal1
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Alors qu’une loi est votée en 1909 pour interdire l’usage du plomb dans la peinture, la loi de 1919 instaure la réparation du saturnisme. Aveu d’impuissance à faire respecter l’interdiction du toxique au travail ? Dès ce premier tableau, la sous-reconnaissance est en marche. En effet, certains symptômes pourtant acceptés par consensus médical comme emblématiques de l’intoxication ne donnent pas lieu à indemnisation. A l’inverse, un ouvrier qui souffre de coliques de plomb, manifestation pathologique visée par le tableau, ne peut invoquer le bénéfice de la loi s’il travaille dans une entreprise qui n’y est pas désignée, par exemple une cristallerie.
- 1Lire « Saturnisme : les ouvriers peintres contre la céruse », "Santé & Travail" n° 65, janvier 2009 ; « Abel Craissac, commis-voyageur de la santé ouvrière », "Santé & Travail" n° 98, avril 2017.