Un tiers des salariés incapable de tenir jusqu’à la retraite
La pénibilité physique, les exigences émotionnelles fortes et les problèmes de santé rendent le travail insoutenable pour plus d’un tiers des salariés. Cette étude publiée le 9 mars par le ministère du Travail en dit long sur le défi du maintien dans l’emploi dans le contexte du recul de l’âge de la retraite.
Quel dommage ! L’étude publiée en fin de semaine dernière par la direction statistique du ministère du Travail aurait mérité de servir de figurer en bonne place dans les discussions parlementaires sur la réforme des retraites. Les chiffres, tirés de l’enquête nationale Conditions de travail menée en 2019, montrent en effet l’ampleur de la tâche à accomplir pour permettre aux travailleurs vieillissants de se maintenir en emploi.
Premier constat, plus du tiers des salariés déclarent ne pas être capables de tenir dans le même travail jusqu’à la retraite. Ils sont 18 % à le penser chez les plus de 50 ans, et… 59 % chez les moins de 30 ans ; ce paradoxe, selon l’auteur de l’étude, est essentiellement dû au fait, qu’au fil des années, les travailleurs les plus exposés à des contraintes de pénibilité quittent leur poste, voire sortent de l’emploi, parfois d’ailleurs à cause de problèmes de santé.
Infirmiers, caissiers, employés de la restauration
Second enseignement, les métiers en contact avec le public et physiquement exigeants sont jugés les moins soutenables. C’est le cas notamment pour les caissiers, les employés des banques et assurances ou ceux de l’hôtellerie-restauration, ainsi que pour les professionnels du soin et de l’action sociale. Infirmières et aides-soignantes, en particulier, ne se voient pas tenir jusqu’à la retraite, car leur activité est caractérisée par « des risques physiques plus marqués que la moyenne et des exigences émotionnelles fortes ».
Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que la pénibilité physique constitue un déterminant du « sentiment » d’insoutenabilité du travail. Le document souligne ainsi le rôle des nuisances dans l’environnement professionnel (bruit, chaleur, humidité, expositions aux fumées ou aux poussières), ainsi que les contraintes marquantes de la pénibilité : rester longtemps debout ou encore porter des charges lourdes. « 46 % des salariés qui y sont fortement exposés ont ce sentiment, contre 27 % de ceux faiblement exposés. »
On ne sera pas surpris non plus de la part jouée par les problèmes de santé dans ce sentiment d’insoutenabilité du travail, que ces derniers soient en lien avec les conditions de travail ou non. « Plus des deux tiers des salariés qui jugent leur état de santé général très mauvais déclarent qu’ils ne sont pas capables de tenir jusqu’à la retraite, indique l’étude. Mais, à l’inverse, un bon état de santé ne suffit pas à garantir un travail soutenable : un tiers des salariés s’estimant en très bon état de santé jugent leur travail insoutenable. »
Autonomie et soutien social à la rescousse
Enfin, on retiendra que ce sentiment d’insoutenabilité du travail perdure dans le temps. Parmi les salariés qui déclaraient en 2013 ne pas être capables de tenir leur activité professionnelle jusqu’à la retraite et qui se maintiennent en emploi, 60 % font état de la même impression en 2016. Et, en 2019, plus de la moitié d’entre eux (52 %) estiment toujours que leur boulot n’est pas soutenable.
Seules bonnes nouvelles de cette étude ? Lorsque l’autonomie et le soutien social s’accroissent, le sentiment d’insoutenabilité du travail diminue. Et si les changements organisationnels sont préjudiciables, leur impact est moindre lorsque les salariés participent aux modalités des transformations, constate l’auteur. C’est peut-être une maigre consolation au regard des risques induits par le recul de l’âge de la retraite, mais cela trace des pistes intéressantes pour la prévention de la désinsertion professionnelle.