Le travail discrimine les malades chroniques
Pour la 16e édition de leur baromètre annuel consacré aux discriminations dans l’emploi, le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) se sont spécifiquement penchés sur celles subies par les salariés atteints de maladie chronique. Soit le quart de la population active française en 2019. En 2025, projette l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), cette proportion de salariés concernés passera à 25 %, en raison notamment du recul de l’âge légal de départ à la retraite et du vieillissement de la population active. Mais milieu professionnel et maladie chronique s’accommodent visiblement mal.
Comme le montrent les résultats de l’enquête publiée le mois dernier, et réalisée en 2023 par Ipsos à partir d’un échantillon de 3 000 actifs dont 1 000 souffrant d’un problème de santé, 1 salarié sur 6 atteints de maladie chronique a été confronté à de la discrimination et du harcèlement discriminatoire. Un risque d’ailleurs trois fois plus élevé chez les travailleurs dont la pathologie est visible. Précisément, ajoute le baromètre, « 55 % des personnes malades déclarent avoir vécu une situation de harcèlement moral dans l’emploi, contre 35 % pour le reste de la population active. » De fait, « plus de 73 % des malades chroniques ayant vécu une discrimination reconnaissent avoir traversé une période où leur santé mentale s’est dégradée (tristesse, fatigue, dépression) ».
Face aux discriminations et à leurs répercussions redoutées (licenciement, non-renouvellement du contrat, blocages dans l’avancement, dégradation des conditions de travail et de l’attitude de l’entourage professionnel, difficulté à trouver un emploi stable…), de nombreuses personnes préfèrent dissimuler leur pathologie afin de se protéger. Seule une moitié des personnes actives malades ont ainsi informé leur hiérarchie de leur état de santé, et 47 % ont du mal à confier certaines informations à leur médecin du travail.
Quand les problèmes de santé ont en revanche été révélés, 17 % des personnes atteintes de maladie chronique disent éprouver un sentiment d’isolement dans leur travail (contre 8 % pour le reste de la population active), et 40 % déclarent ne pas bénéficier de soutien et de compréhension de leur hiérarchie. Un poste de travail a été aménagé pour 19 % de ces personnes. Pour autant, 29 % des salariés concernés souhaiteraient un tel aménagement. Forcément, observe le baromètre, « un tiers des employeurs environ n’ont pas suivi (ou que partiellement) les préconisations du médecin du travail, avec principalement des refus d’aménagement de poste ». Des employeurs loin de tous respecter leur obligation de sécurité.