Le travail invisible des régulateurs d'Air France
Chez Air France aussi, dans un contexte bien différent de celui d'Airbus, la recherche du Centre de recherches sur l'expérience, l'âge et les populations au travail (Creapt) pointe le rôle des référents techniques, les "régulateurs", en matière de santé auprès des agents de service au client. Une population qui vieillit, présente des troubles de santé (jusqu'à 15 % de salariés avec restrictions médicales selon les sites) et dont le métier change avec la digitalisation du parcours client, de l'achat du billet à l'embarquement. Ces employés se retrouvent principalement à gérer les difficultés rencontrées par la clientèle. Eviter les stations debout prolongées et les contacts avec le public forment le gros des restrictions d'aptitude.
Construire des compromis
"Les régulateurs affectent les salariés aux tâches planifiées à H - 24 et au cours de la journée, explique Catherine Delgoulet, ergonome et chercheuse à l'université Paris-Descartes. Face aux multiples aléas de l'activité, ils tentent de construire des compromis entre les exigences de performance - le départ de l'avion à l'heure -, les enjeux de santé - le respect des restrictions d'aptitude - et les compétences disponibles, y compris ce qu'ils savent de la manière dont les agents gèrent les situations."
Le système de régulation est informatisé. Il propose des schémas d'affectation tenant compte de divers paramètres, dont la santé, mais il n'est pas toujours actualisé et n'intègre pas les aléas. Ce qui nécessite une réaffectation des tâches en temps réel. Afin de limiter les contraintes, les régulateurs font tourner les salariés sur plusieurs tâches plus ou moins exigeantes. Ils ont aussi une action plus informelle, comme l'observe Catherine Delgoulet : "Une difficulté de santé passagère peut fragiliser un salarié. La situation sera prise en compte avant toute identification médicale pour prévenir une situation critique devant les clients. Cette régulation a toute son importance pour que le système tienne." Et de conclure : "Globalement, ce travail invisible qui repose sur une connaissance du terrain, des tâches, des configurations... permet une régulation fine face à des aléas qui ne peuvent être anticipés." Cela plaide pour une reconnaissance de ce rôle.