Travaux dangereux : les jeunes moins protégés ?
Le gouvernement vient d'assouplir la réglementation sur les travaux dangereux pour les jeunes de 15 à 18 ans. Le nouveau dispositif suscite des craintes chez certains inspecteurs et médecins du travail concernant la sécurité au travail des mineurs.
Deux décrets relatifs aux travaux dangereux pour les jeunes de moins de 18 ans sont entrés en application en mai dernier (voir "Sur le Net"). Selon le gouvernement, ils ont pour objectif de favoriser leur insertion professionnelle, en assouplissant les règles qui leur permettent d'effectuer certains travaux dangereux, dits "réglementés", dans le cadre de leur formation. Jusqu'à présent, les employeurs et chefs d'établissement scolaire qui souhaitaient affecter des jeunes à ces travaux devaient demander une autorisation à l'Inspection du travail. Cette procédure est remplacée par une simple déclaration auprès de celle-ci, assortie d'une évaluation des risques et d'une visite médicale d'aptitude pour chaque jeune concerné. Les travaux les plus dangereux demeurent néanmoins interdits.
"Avec la précédente réglementation, nous nous déplacions sur le terrain et nous regardions machine par machine avant de donner notre autorisation. Nous autorisions certains travaux, pas d'autres", explique Yves Sinigaglia, inspecteur du travail et secrétaire national du syndicat Sud Travail. Son collègue Loïc Abrassart, lui aussi de Sud Travail, rappelle que ces contrôles systématiques étaient d'autant plus importants que les jeunes sont fréquemment victimes d'accidents du travail (AT). Une étude du ministère du Travail de février 2014 montre en effet que le taux de fréquence des AT est deux fois plus élevé dans la tranche d'âge des 15-19 ans que dans celle des 30-49 ans. "La procédure de dérogation était aussi un rendez-vous où nous pouvions exercer notre mission de conseil auprès des employeurs", ajoute Joël Louis, inspecteur du travail syndiqué à l'Unas CGT.
Contrôle affaibli
Pour ces inspecteurs du travail, le nouveau régime déclaratif devrait se traduire par un affaiblissement du contrôle et une exposition plus importante des jeunes aux travaux dangereux. "La situation antérieure n'était pas non plus idyllique, nuance un porte-parole du SNU-Tefe-FSU, autre syndicat d'inspecteurs du travail. Beaucoup d'employeurs refusaient de s'engager dans la procédure de demande de dérogation par peur d'une visite de l'inspecteur du travail. Avec à la clé des situations de non-droit, et une mise en danger de jeunes inconnus de l'Inspection du travail." Du côté des médecins du travail, l'avis médical d'aptitude demandé pour chaque jeune fait aussi débat. "Le patronat s'autorise ainsi à transférer sa responsabilité d'organisation de la sécurité du travail sur les médecins du travail en créant une nouvelle notion médico-légale, celle d'un accord médical pour mettre en danger des jeunes salariés", dénonce dans un communiqué le collectif Sauvons la médecine du travail.
Un des deux décrets (n° 2015-444), tout aussi critiqué par les acteurs de la prévention, concerne le travail en hauteur. Jusqu'à maintenant, il était interdit d'affecter des jeunes à des travaux en hauteur lorsque la prévention du risque n'était pas assurée par des mesures de protection collective : échafaudage, filet. Le décret supprime cette interdiction, sous réserve que le jeune soit muni d'un équipement de protection individuelle : harnais, longe... Des dispositifs moins efficaces contre les risques de chute. "Cela revient à former les jeunes à travailler en insécurité", analyse Loïc Abrassart. L'utilisation des échelles, escabeaux et marchepieds, théoriquement interdite sauf si le risque évalué est faible, est désormais autorisée. "C'est une régression non seulement pour les jeunes, mais pour l'ensemble des travailleurs", prévient Joël Louis.
Les décrets n° 2015-443 et n° 2015-444 du 15 avril 2015, qui modifient les règles de dérogation à l'interdiction d'affecter des jeunes à des travaux dangereux ou en hauteur, sont consultables sur www.legifrance.gouv.fr