Des valeurs limites d’exposition pour le dioxyde de titane ultrafin
L’Agence nationale de sécurité sanitaire recommande des valeurs limites d’exposition professionnelle pour les nanoparticules de dioxyde de titane, cancérogène possible pour l’homme. Une avancée importante dans la prévention des risques liés aux nanomatériaux.
Pour la première fois en France, un nanomatériau devrait faire l’objet de valeurs limites d’exposition professionnelle. C’est en tout cas la recommandation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) à propos du dioxyde de titane sous forme nanoparticulaire ou TiO2-NP, dans un avis rendu public début mars. Avec 17 000 tonnes produites ou importées en France chaque année, il s’agit de l’un des nanomatériaux les plus utilisés en secteur industriel (peintures, vitrages autonettoyants, cosmétiques, plastiques, textiles, etc.). Très recherché pour ses propriétés d’absorption des rayonnements ultraviolets et photocatalytiques, qui permettent la décomposition de certains polluants, « il constitue de ce fait une source d’exposition potentielle importante en milieu professionnel », souligne l’Anses dans son avis. Or cette substance chimique a des effets toxiques sur la santé. Elle peut, notamment, causer une inflammation pulmonaire et engendrer ainsi l’apparition de cancers1 .
Protéger les travailleurs
L’agence préconise donc de renforcer la protection les travailleurs exposés au TiO2 sous toutes ses formes et a établi, pour la forme nanométrique, une valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) sur huit heures de 0,80 microgramme par mètre cube. « Cela signifie que, durant la journée de travail, la concentration du nanomatériau dans l’air en moyenne ne doit pas dépasser cette valeur », traduit Dominique Brunet, adjointe au chef de l’unité Évaluation des substances chimiques de l’Anses. La VLEP est destinée à « protéger le travailleur, à moyen et long terme, des risques d’inflammation pulmonaire, l’effet toxique identifié par les scientifiques comme étant celui qui survient aux concentrations d’exposition les plus faibles ».
L’Anses explique manquer d’études scientifiques quant aux effets immédiats ou à court terme d’une exposition aiguë au TiO2-NP. « Nous sommes donc partis du principe qu’il fallait limiter le plus possible l’intensité des pics d’exposition qui peuvent engendrer des effets aigus. Nous avons donc adjoint une valeur limite court terme (VLCT) fixée par défaut à 4 µg/m3 par quart d’heure, soit cinq fois la VLEP sur huit heures. Cela signifie que par quart d’heure, la concentration ne doit pas dépasser cette valeur », précise Dominique Brunet, ce qui permet de « limiter l’importance et le nombre de pics d’exposition au cours d’une journée de travail ».
Le début d’un processus
L’Anses évalue actuellement les méthodes de mesure de la concentration de TiO2-NP dans l’air et devrait pouvoir déterminer, d’ici la fin 2021, lesquelles utiliser au regard des VLEP recommandées. Il reviendra au ministère du Travail d’élaborer un projet de texte réglementaire à partir de ces recommandations et de le soumettre pour avis au Conseil d’orientation sur les conditions de travail (Coct). Ces valeurs limites sont donc encore loin d’être opérationnelles. Pour l’Association de veille et d’information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies (Avicenn), la recommandation de l’Anses, beaucoup plus restrictive que la VLEP fixée aux Etats-Unis (0,3 mg/m3 pour huit heures), est plutôt appréciée. « Cela devrait conduire les entreprises qui recourent aux nanoparticules de TiO2 à se questionner sur la réelle valeur ajoutée de ces dernières par rapport aux risques qu'encourent les travailleurs et aux protections qu’il est nécessaire de mettre en place pour minimiser leur exposition », espère l’association.
- 1En 2006, le Centre international de recherche sur le cancer a classé le TiO2 dans le groupe des substances cancérogènes possibles pour l’homme. Dans l’alimentation, le dioxyde de titane, très utilisé sous forme d’additif, est interdit en France depuis le 1er janvier 2020.