Vous avez dit modernisation ?

par
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Bernard Dugué ergonome
/ octobre 2016

Si vous aimez les avis de CHSCT purement formels, qui éludent une réflexion critique sur le fond des projets soumis et contribuent peu à la prévention des risques, alors vous allez adorer le décret du 30 juin sur les modalités de consultation des instances représentatives du personnel ! Ce texte, entré en vigueur le 1er juillet dernier, a été pris en application de la loi Rebsamen du 17 août 2015. Dorénavant, l'ordre du jour et les documents à examiner ne seront transmis aux membres du CHSCT que huit jours au moins avant la séance, au lieu de quinze auparavant. Et l'instance ne disposera plus que d'un mois - deux, si elle sollicite une expertise - pour rendre son avis.

Dommage, car on sait que les projets de transformation technique ou organisationnelle sont l'occasion de développer une prévention primaire des risques, en amont de la conception des situations de travail. Mais face à des projets souvent complexes, il faut des élus formés, ayant du temps pour les analyser avec les salariés concernés et pour pouvoir les confronter à la réalité du travail. Il faut ensuite formaliser un avis argumenté qui peut apporter un éclairage sur les conséquences possibles du projet. Les élus et certains employeurs savent bien que ce passage par le CHSCT permet d'améliorer le projet et de mieux prendre en compte les conditions de travail, la pénibilité des postes et la santé des salariés, avec l'aide notamment du médecin du travail et du conseiller en prévention. Raccourcir les délais, ce sera dans les faits moins d'échanges entre élus, moins de capacité d'appui d'acteurs externes déjà débordés, moins de temps pour une analyse minutieuse et moins de concertation avec les salariés.

Ajoutez à cela la réduction du nombre d'élus avec la mise en place des délégations uniques du personnel (DUP), permise désormais dans les entreprises de moins de 300 salariés, et vous pouvez vous demander comment le gouvernement a pu baptiser cette loi "modernisation du dialogue social".