Whoog, l'appli qui fait débat à l'hôpital
Pour faire face à l'absentéisme dans les établissements de santé, la plate-forme numérique Whoog permet de proposer des remplacements aux personnels volontaires. Une solution qui rencontre un certain succès... mais n'est pas exempte de risques.
Le secteur de la santé est celui qui connaît le plus fort taux d'absentéisme (4,6 %), d'après l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Ce qui a pour effet de désorganiser les services des établissements. Afin de gérer les remplacements, une start-up a imaginé une alternative, simple et rapide, à l'intérim ou au rappel en urgence des salariés en repos : une application permettant, via un message d'alerte, de proposer aux personnels volontaires en interne - essentiellement infirmiers et aides-soignants - de suppléer au pied levé un collègue absent.
Travailler plus pour gagner plus
La plate-forme numérique Whoog se présente comme une "solution innovante pour résoudre [cette] problématique majeure". Et cela pour un coût allant de moins de 300 euros à "quelques milliers d'euros par mois selon la taille de l'établissement", promet-elle. Des économies sont donc annoncées avec la diminution du recours au travail intérimaire. La start-up indique qu'entre 40 % et 70 % des personnels concernés se sont inscrits, selon les structures. Une centaine d'établissements de santé privés ou publics, dont une petite dizaine de centres hospitaliers universitaires (CHU), ont d'ores et déjà adopté Whoog.
Régler la question de l'absentéisme, souvent lié à la dégradation des conditions de travail, par un dispositif qui permet de travailler plus, cela n'a pas séduit Marie-Claudine Ferrara, secrétaire générale du syndicat CGT du CHU de Clermont-Ferrand, deuxième force syndicale derrière FO. "Whoog nous a été présenté comme une solution miracle, la seule permettant de gagner davantage pour les personnels aux revenus les plus bas, qui n'ont pas augmenté entre 2010 et 2016, dénonce-t-elle. Ils sont incités à rogner sur leur temps de repos, et risquent à terme des accidents de trajet ou médicaux à cause de la fatigue accumulée."
"On nous a reproché de surfer sur le besoin financier des professionnels, sauf qu'auparavant ils allaient déjà effectuer des remplacements ailleurs", se défend Alain Troadec, coordinateur de la direction des soins au CHU de Brest. Utilisateur de Whoog depuis juin dernier, il met en avant "une plus grande facilité à avoir recours à du personnel en interne, qui connaît l'établissement et ses outils, contrairement aux intérimaires". De son côté, la CGT de l'établissement pointe les difficultés d'intégration et d'accueil, au sein d'un collectif de travail, d'un élément extérieur au service, même s'il appartient à l'hôpital.
"Mettre fin aux recours abusifs"
Au CHU de Montpellier, le principal syndicat, FO, était demandeur de la mise en place de Whoog. "Auparavant, les cadres appelaient toujours les mêmes sur leur temps de repos ou de congés pour remplacer les collègues absents. L'inscription sur la base du volontariat vise à mettre fin à ces recours abusifs", estime Denis Garnier, chargé de prévention des risques professionnels à la fédération FO santé. D'où une mise en place en 2014... qui ne s'est pas faite sans ratés : heures supplémentaires non payées, le budget ayant explosé, ou encore personnels travaillant jusqu'à 70 heures par semaine (48 heures au maximum sont autorisées). Ce que Guerric Faure, cofondateur de la start-up, explique par "un manque d'interconnexion des plannings". Mais, annonce-t-il, "le CHU va se doter d'une nouvelle interface de gestion des emplois du temps qui sera synchronisée avec Whoog. Cela permettra de vérifier le non-dépassement du temps de travail réglementaire et le respect des temps de repos". Car, pour l'instant, le contrôle ne peut avoir lieu qu'a posteriori. Reste donc à s'assurer de l'évolution de l'outil pour que les risques soient bien balisés en amont.