Zapping
Le télescopage d'informations mises bout à bout donne parfois un éclairage savoureux ou cynique à l'actualité. Nous aussi, ce trimestre, nous nous risquons à accoler quelques news qui, a priori, n'ont rien à voir entre elles. Quoique...
8 novembre. Le Secours catholique publie son rapport statistique annuel, intitulé Regard sur 10 ans de pauvreté. On y apprend que, s'il fallait un accident de la vie pour basculer dans le dénuement au début des années 2000, c'est l'insuffisance chronique de ressources qui alimente la misère actuellement. Ainsi, écrit le secrétaire général de l'organisation caritative, "le lien au travail s'est fragilisé, les personnes rencontrées ont vu la stabilité de leur contrat ou leurs horaires de travail se restreindre". Les femmes sont particulièrement touchées, notamment celles devant élever seules leurs enfants. On apprend aussi que la part des inactifs pour raison de santé a augmenté.
1er et 2 décembre. L'enseigne Sephora s'offre une pleine page de publicité, titrée "L'emploi menacé aux Champs-Elysées", dans plusieurs grands quotidiens nationaux. Le parfumeur du géant du luxe LVMH entend dénoncer l'action en justice engagée par l'intersyndicale du commerce de Paris contre l'ouverture jusqu'à 1 heure du matin de son magasin de la célèbre avenue. "Y en a marre de ce chantage à l'emploi", répondent les syndicats, rappelant au passage les effets nocifs du travail de nuit pour la santé, notamment le risque de cancer du sein chez les femmes, l'altération du sommeil et les difficultés à supporter les horaires nocturnes avec l'avancée en âge... Sans parler des problèmes que rencontrent les femmes seules pour concilier ce type d'horaires avec les contraintes familiales.
6 décembre. L'Assemblée nationale adopte la loi sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Depuis un mois, l'exécutif met en effet la pression sur sa majorité pour que cette remise de 20 milliards d'euros se fasse sans conditionnalité. Il s'agit d'envoyer un "signe fort, simple et lisible" aux entreprises. Sans doute, mais le gouvernement se prive là d'un outil précieux pour peser sur la qualité de vie au travail qu'il appelait de ses voeux lors de la conférence sociale de juillet. L'occasion était pourtant unique d'inciter les entreprises à s'engager dans la voie d'un travail moins précaire, à prévenir les effets de la pénibilité, à lutter plus efficacement contre les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux...
Reste à savoir maintenant si ce "pari de la confiance", selon les mots de Matignon, sera bon aussi pour la santé au travail. Au vu de ce zapping, comme de ce numéro, il est permis d'en douter. C'est précisément parce que nous vivons dans un monde globalisé et ouvert que le rôle régulateur des Etats doit s'accentuer. Notamment sur les questions touchant à la santé publique.