Accident, maladie, usure liée au vieillissement ou aux conditions de travail, les raisons sont multiples pour se retrouver un jour ou l'autre menacé de perdre son emploi du fait de son état de santé. Certes, l'usure professionnelle et les contraintes liées aux conditions de travail concernent davantage certaines professions. En revanche, le report de l'âge de départ en retraite ainsi que les accidents de la vie (domestiques, sport, voiture...) ou le développement de maladies invalidantes ou chroniques peuvent impacter toutes les catégories socioprofessionnelles. Ainsi, tout le monde peut avoir un jour à se diriger dans un dédale d'acteurs, de sigles, d'interlocuteurs dont les rôles apparaissaient flous avant d'y être confronté.
Lorsqu'on doit déjà gérer ses problèmes de santé, se projeter seul dans une démarche de maintien dans l'emploi reste compliqué. Sans oublier la peur d'être stigmatisé ou de perdre son travail, qui peut inciter tout un chacun à taire ses problèmes. Pourtant, c'est bien en détectant le plus tôt possible le caractère invalidant au regard du travail d'une maladie, d'un accident, d'un état d'usure physique ou mentale que l'on peut anticiper les menaces et définir les solutions possibles.
Anticiper la reprise
A cet effet, en cas d'arrêt de travail de plus de trois mois, le salarié peut demander une visite de préreprise auprès du médecin du travail. Elle est accordée de droit et peut être également proposée par le médecin du travail lui-même, le médecin-conseil de la Sécurité sociale ou le médecin traitant. Elle permet, préalablement à la reprise du travail, de rechercher les mesures nécessaires pour faciliter le maintien en emploi, notamment en matière d'adaptation du poste et/ou du temps de travail. C'est l'occasion de préparer son retour en emploi, mais aussi d'échanger avec le médecin du travail sur sa situation.
L'adaptation du temps de travail, qu'il s'agisse du temps partiel thérapeutique ou d'horaires adaptés permettant de bénéficier des soins requis par l'état de santé, est également de nature à favoriser le maintien en emploi. Par exemple, le médecin traitant peut, s'il estime qu'une reprise d'une activité à temps plein n'est pas envisageable, préconiser une reprise à temps partiel pour motif thérapeutique. Il convient d'en préciser les modalités d'application concrètes dans l'entreprise avec le médecin du travail et l'employeur. Tout aménagement du poste de travail qui entraîne une modification du contrat de travail doit être contractualisé par le biais d'un avenant et accepté par le salarié.
Lorsque l'état de santé ou le handicap conduisent à des menaces sur l'emploi, suivre une formation peut être une autre façon de dépasser ces difficultés, pour rester dans la même entreprise ou pour entrevoir une reconversion plus profonde. Toutefois, l'accès à de telles formations n'est pas toujours possible, en particulier pour les seniors, qui peuvent se les voir refuser directement ou indirectement. Dans ce cadre, le droit individuel à la formation peut être mobilisé, comme le compte emploi formation, mis en oeuvre à partir du mois de janvier prochain, ou encore la validation des acquis de l'expérience (VAE). Bien choisir sa formation implique de faire réaliser un bilan de compétences et d'en discuter avec le médecin du travail.
Des aides et acteurs à mobiliser
D'autres aménagements ou aides sont possibles pour les travailleurs reconnus handicapés ou en voie de l'être. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) s'obtient auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Le fait de toucher une rente d'incapacité permanente suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, ou de bénéficier d'une pension d'invalidité constitue aussi une reconnaissance administrative d'un handicap. Cette reconnaissance permet l'intervention de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph). Celle-ci peut financer des aménagements du poste de travail ou délivrer des aides, versées aux entreprises, afin de faciliter le maintien dans l'emploi. Chacune de ces aides est soumise à des conditions particulières d'octroi, qui peuvent dépendre notamment de l'âge ou du handicap du salarié. Le réseau des CAP-emploi et les services d'aide au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (Sameth), qui dépendent de l'Agefiph, constituent sur ce point les interlocuteurs naturels des salariés et des entreprises pour définir avec eux les besoins, solutions et financements possibles.
L'employeur est par ailleurs tenu de prendre les mesures appropriées pour permettre à un travailleur handicapé d'accéder, de se maintenir ou d'évoluer dans son emploi. Afin de l'y inciter et de l'y aider, plusieurs acteurs peuvent être sollicités dans ou hors de l'entreprise. A ce titre le médecin du travail reste un interlocuteur incontournable. Censé connaître les postes de travail, l'entreprise, il peut anticiper les situations difficiles et conseiller l'employeur. Il est habilité à lui formuler des propositions en matière d'aménagement de poste, dont ce dernier doit tenir compte et sur lesquelles l'inspecteur du travail tranchera en cas de désaccord. Il est aussi censé appuyer les démarches du salarié en vue d'une reconnaissance d'une maladie professionnelle ou d'une invalidité. Pour une personne en arrêt de longue durée, le contact principal reste néanmoins le médecin traitant, qui n'a pas toujours une vision globale de la situation du salarié, de ses droits ou des aides disponibles. Il peut toutefois contacter le médecin du travail.
Les représentants du personnel, délégués du personnel ou élus CHSCT, doivent aussi être sollicités. Consultés sur les questions de maintien dans l'emploi, ils peuvent renseigner les salariés sur leurs droits et appuyer la mise en oeuvre des actions nécessaires. En l'absence de représentants du personnel, un salarié estimant que ses droits ne sont pas respectés peut saisir l'Inspection du travail. Enfin, des structures associatives extérieures, comme la Fnath (Association des accidentés de la vie), peuvent également accompagner les salariés pour les aider à se repérer dans le labyrinthe des termes juridiques et des parcours entre les différents acteurs.
Recours juridiques
Malgré tous ces dispositifs et acteurs mobilisables sur le maintien dans l'emploi, le nombre de salariés licenciés pour inaptitude reste encore extrêmement important. On estime en effet que sur 200 000 personnes concernées par un avis d'inaptitude, 120 000 sont licenciées. Selon une étude réalisée en 2011 auprès des adhérents de la Fnath, 55 % d'entre eux n'ont pas retrouvé leur emploi après l'événement de santé qui a conduit à leur attribuer un taux d'incapacité
Des dispositifs propres à la fonction publique
Christian
Torres
médecin du travail
Lorsque l'état de santé d'un fonctionnaire d'Etat ne lui permet plus d'exercer son travail dans les conditions habituelles, plusieurs dispositifs peuvent être utilisés pour le maintenir dans une activité professionnelle. Tout d'abord, le médecin de prévention - équivalent du médecin du travail dans la fonction publique d'Etat - peut proposer un aménagement du poste ou des conditions d'exercice des fonctions de l'agent, justifié par son état de santé
. Cet aménagement peut porter sur un allégement des tâches à accomplir, l'octroi de temps de repos, l'adaptation du poste de travail. Si l'administration ne peut pas réserver une suite favorable à ces préconisations, elle doit pouvoir apporter la preuve qu'elle a bien étudié les possibilités d'aménagement et que, le cas échéant, elle n'a pas trouvé un autre poste qui serait mieux adapté à l'état de santé de l'agent. Depuis 2011, le CHSCT compétent doit être informé de ce refus de l'administration.
Lorsque l'intéressé bénéficie de la qualité de travailleur handicapé, ces aménagements peuvent être financés par le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), l'équivalent de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph) pour le secteur privé. Les services d'aide au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (Sameth), qui dépendent de l'Agefiph, sont habilités à intervenir dans la fonction publique et peuvent apporter leur appui pour le maintien dans l'emploi des fonctionnaires en situation de handicap.
Reclassement. Si le fonctionnaire, du fait de son état de santé, est déclaré inapte de façon définitive à toutes les fonctions afférentes à son grade, deux options sont possibles : il peut prétendre à une retraite pour invalidité ou, après avis d'un comité médical, faire valoir son droit à reclassement dans un autre corps d'Etat
. Sauf refus motivé, un poste doit lui être proposé dans les trois mois au sein d'un corps de niveau équivalent, où les fonctions sont compatibles avec son état de santé. Dans ce cas, les dispositions statutaires et les limites d'âge supérieures relatives à l'intégration dans le corps d'accueil ne lui sont pas opposables. Il conserve l'indice détenu dans son ancien corps et, au bout d'un an, peut demander son rattachement au corps d'accueil. Ces dispositions s'appliquent aux fonctionnaires d'Etat, mais il existe des dispositions similaires pour les fonctionnaires hospitaliers et territoriaux.
Lorsqu'un salarié est déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un autre emploi, approprié à ses capacités et prenant en compte les préconisations faites par le médecin du travail. L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles qu'une mutation, la transformation du poste de travail ou l'aménagement du temps de travail. Ce n'est qu'en cas d'impossibilité du reclassement, démontrée par l'employeur, que le salarié peut être licencié pour inaptitude. Le salarié peut intenter un certain nombre de recours contre cette décision. Le recours contre l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail se fait uniquement auprès de l'Inspection du travail, dans un délai de deux mois. Si le salarié souhaite contester l'impossibilité de reclassement arguée par l'employeur, il peut saisir le conseil des prud'hommes, compétent sur la question. Si les efforts déployés par l'employeur sont jugés insuffisants, cela peut donner lieu à une indemnisation, voire à une réintégration. Enfin, en cas de licenciement pour inaptitude, le salarié peut contester devant les prud'hommes la cause réelle et sérieuse de celui-ci au motif du non-respect de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur s'il peut prouver que la dégradation de son état de santé et son inaptitude sont liées au travail.