La plupart des réunions trimestrielles des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) débutent par un examen des chiffres présentés par la direction concernant les accidents du travail, voire les maladies professionnelles. Les taux de fréquence et de gravité des accidents du travail sont également régulièrement évoqués. Au sein des CHSCT, les représentants du personnel sont bien souvent demandeurs de ces données chiffrées, quand ils n'en produisent pas eux-mêmes, à partir d'enquêtes par exemple. Demeure une question : ces données leur permettent-elles de faire avancer la prévention des risques ?
Quand des représentants du personnel décident de réaliser une enquête, c'est en général pour tenter d'apporter " la preuve par le chiffre " de l'existence d'un problème, dans le cadre d'un débat avec la direction. Dans ce cas, l'enquête sert avant tout à communiquer. Il s'agit de faire savoir que les représentants du personnel se préoccupent du sujet. Mais sont-ils là au coeur de leur mission ? Pas si sûr !
Le CHSCT a pour missions principales (article L. 4612-1 du Code du travail) de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ; de contribuer à l'amélioration des conditions de travail ; de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières. Au sein du CHSCT, instance consultative, les représentants du personnel doivent rendre compte des situations et problèmes qu'ils observent dans l'entreprise et faire des propositions d'amélioration. De son côté, l'employeur doit répondre à ces observations et propositions et demander l'avis des élus du personnel sur différents sujets, avant l'introduction de nouvelles technologies ou l'adaptation de postes de travail pour des salariés atteints d'un handicap, par exemple.
Comprendre le travail
Pour jouer efficacement leur rôle, les élus doivent donc connaître les situations de travail réelles des salariés, telles qu'ils les vivent, et non telles qu'elles sont transcrites dans les documents fournis par la direction. Ils doivent se forger un avis autonome. Cela nécessite qu'ils comprennent le travail de leurs collègues, en l'observant, en en discutant avec eux, en confrontant les points de vue. La diversité des situations de travail doit être repérée et instruite comme telle, et l'analyse de leurs effets sur la santé des salariés concernés validée avec ces derniers. Cette approche qualitative du lien entre le travail et la santé est essentielle et ne peut être délaissée au profit d'une optique quantitative. D'autant que cette dernière peut s'avérer contre-productive.
Comme cela a été dit plus haut, les démarches chiffrées se limitent souvent à la reconnaissance d'un problème, sans aborder les pistes d'action censées le résoudre. En revanche, des chiffres décevants ou ambigus pourront être utilisés par une direction pour justifier le fait qu'il n'y a pas lieu de traiter le problème de santé au travail soulevé. Les approches chiffrées peuvent ainsi entraîner les représentants du personnel vers une gestion des risques, par ordre de priorité statistique, ce qui n'est pas leur rôle et relève de la responsabilité de la direction. Faut-il le rappeler, indépendamment de toute statistique, la responsabilité de l'employeur est engagée dès qu'un salarié rencontre des difficultés de santé liées à son travail. Et les représentants du personnel sont là pour contribuer, par leur action, à ce qu'aucun salarié ne soit laissé pour compte.