La réintégration d'un salarié dans son travail après une longue absence est un enjeu important aussi bien pour la personne que pour l'entreprise. Et sa réussite n'a rien d'automatique. Sur quels éléments peut-on s'appuyer pour éviter les échecs et faciliter la reprise du travail ? C'est ce qu'a analysé une étude ergonomique, menée à la demande de la direction dans un établissement bancaire de 900 salariés. Le CHSCT y faisait état de situations de retour difficiles débouchant, selon les cas, sur un nouvel arrêt, une dégradation des relations dans le service, voire une démission.
L'intervention est partie de trois constats : les situations de reprise du travail après une longue absence concernaient nombre de salariés (12 %) ; les motifs d'absence étaient extrêmement divers (maternité, maladie, accident, congé sabbatique, formation...) ; enfin, une grande proportion de ces absences était prévisible. Le parti pris de l'étude, circonscrite aux absences de plus de trois mois, est de considérer la reprise du travail comme un processus et non comme un événement ponctuel qu'il s'agirait de traiter au mieux. Une approche qui ouvre des pistes d'action beaucoup plus larges.
L'événement est alors resitué dans une trajectoire, depuis la situation du salarié avant son départ jusqu'à celle qui suit la reprise effective du travail, des semaines ou des mois plus tard. Tout au long de cette histoire, il s'agit de s'intéresser à l'individu à travers les différents aspects de son rapport à l'entreprise : professionnel, médical, administratif, juridique, social. L'objectif est de déceler les ingrédients qui peuvent favoriser ou, au contraire, rendre difficile la reprise du travail, en la replaçant dans une dynamique dont l'origine - donc les déterminants - peut être assez lointaine.
Périodes de travail en commun
Première évidence : beaucoup d'absences pourraient faire l'objet d'un traitement anticipé, mais c'est rarement le cas. Or l'anticipation rend possible un départ dans de meilleures conditions, pour le salarié et pour ses collègues, et permet de dégager des marges de manoeuvre au moment du retour. Lorsque l'absence fait l'objet d'un remplacement en contrat à durée déterminée, l'existence d'une période de travail en commun entre le salarié qui part et son remplaçant permet de rendre ce dernier plus rapidement opérationnel et évite une surcharge de tâches pour les collègues. De la même manière, une période de travail en commun lors de la reprise facilitera la passation des dossiers en instance et l'information du salarié sur les évolutions de son poste.
L'anticipation permet aussi de prévenir le salarié de certaines conséquences d'une longue absence, souvent source d'inquiétude, afin qu'il puisse mieux organiser sa vie personnelle et professionnelle : répercussions salariales, calcul des congés payés, impact sur les pensions de retraite, possibilité de reprise a` temps partiel, personnes-ressources pendant l'absence, etc.
La nature des contacts entre l'employé et l'entreprise pendant son absence a également une influence sur la reprise du travail. Beaucoup regrettent d'ailleurs une coupure "radicale". Mais durant cette période, le salarié n'est plus dans un rapport de subordination vis-à-vis de son employeur. Les informations qui peuvent lui être fournies, les contacts qui peuvent être pris ne doivent donc, en aucune manière, pouvoir être interprétés comme une remise en cause de ce principe, voire comme un moyen de pression, par exemple pour accélérer un retour au poste. Pour autant, il lui sera utile de bénéficier d'informations sur l'évolution de l'entreprise : réorganisations, changements techniques, événements sociaux ou économiques, ou sur des aides possibles en fonction de l'évolution de sa situation.
Par exemple, la connaissance des offres d'emploi internes permet au salarié de faire acte de candidature avant son retour, si les délais s'avèrent compatibles. Une information sur les droits et procédures peut favoriser les contacts, à sa demande, avec la médecine du travail, notamment sur les visites de préreprise, qui permettent très souvent d'anticiper les difficultés et de demander certains aménagements. Les liens informels avec le collectif de travail sont source d'un soutien émotionnel et d'une meilleure information sur l'évolution du contexte professionnel. Laquelle peut aussi passer par le maintien de relations avec le comité social et économique (CSE) ou les organisations syndicales. On observe que meilleures auront été les conditions de départ, plus faciles et probables seront ces contacts.
Politique claire de l'entreprise
Dans le processus d'ensemble, la période de retour est évidemment la plus sensible. La bonne réintégration du salarié se joue dès le moment de la reprise ; elle s'appuie notamment sur la qualité des contacts avec les supérieurs hiérarchiques. Encore faut-il que ces managers aient l'information adéquate, une ligne directrice et une bonne connaissance des ressources disponibles pour aider le salarié. Sinon, le traitement des situations risque d'être très différent d'une unité de travail a` l'autre et de générer un sentiment d'iniquité conduisant à une dégradation des relations entre le salarié et son encadrant immédiat. Il est nécessaire que l'entreprise ait une politique claire sur cette question.
L'étude a permis d'identifier trois grandes modalités de reprise du travail : celle devant s'accompagner d'une adaptation du poste, avec l'aide du médecin du travail ou d'un ergonome ; celle impliquant une réorientation de la personne, avec élaboration d'un nouveau parcours professionnel ; enfin, celle nécessitant uniquement une "mise à niveau" des connaissances.
Ont également été mis en évidence des éléments déterminants pour que le salarié dispose de marges de manoeuvre facilitatrices lors de sa réintégration. Tout d'abord, la communication des conditions de sa reprise à ses collègues (aménagement de poste, temps partiel, période de formation...), a fortiori s'il ne revient pas dans son unité d'origine. Ensuite, il faut laisser au salarié le temps nécessaire a` la prise de connaissance des informations utiles et des changements intervenus pendant son absence, en particulier concernant les objectifs fixés, afin d'éviter une situation d'échec dès la réintégration. Enfin, il est essentiel de déterminer les besoins en formation et d'élaborer un plan adéquat, avec un interlocuteur dédié qui réalise des points d'étape jusqu'à la stabilisation de la situation.
Accord collectif
Le suivi médical éventuel du salarié ainsi que l'accompagnement par les représentants du personnel, afin de veiller au respect des règles et à l'évolution des conditions de travail, sont bien entendu tout aussi essentiels. A la suite de cette étude, un accord collectif a été signé dans l'entreprise. Il reprend, de manière opérationnelle, l'ensemble des éléments relevés et met l'accent sur l'engagement de quatre acteurs clés : un référent RH dédié, un référent en santé au travail (le médecin), le manager de proximité et une instance représentative (CSE ou CHSCT).