Prévention : presque un plan cancer professionnel...
Organisé en novembre par l'INRS, le colloque " Prévenons les cancers professionnels " s'est conclu sur un appel lancé par son comité scientifique, définissant quatre priorités pour leur prise en charge. Une véritable feuille de route pour les pouvoirs publics.
Responsables de plusieurs milliers de décès par an, les cancers professionnels constituent un risque pour plus de 2 millions de travailleurs, dont 70 % sont des ouvriers. Plus de 400 médecins du travail, institutionnels de la prévention ou syndicalistes ont échangé sur ce thème du 18 au 20 novembre dernier, lors du colloque " Prévenons les cancers professionnels ". Organisée à Paris par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) avec onze partenaires (voir " Repère "), cette manifestation a permis d'entendre près de 80 interventions, fruits de réflexions, recherches et expérimentations nationales ou locales, souvent menées conjointement par plusieurs institutions.
Point d'orgue du colloque : l'appel lancé par les membres du comité scientifique, afin d'améliorer le dispositif de prévention du risque cancérogène au travail. Ces experts ont défini quatre priorités : le renforcement de la politique d'information sur les risques ; le repérage, la suppression et la substitution des produits cancérogènes ; une action accrue en direction des TPE et PME ; enfin, une meilleure prise en compte des activités connexes à la production, comme la maintenance ou le nettoyage. Autant de propositions d'action que pourraient mettre en oeuvre les pouvoirs publics, à l'heure où le plan cancer 2 vient d'être lancé.
Auparavant, Daniel Lejeune, secrétaire général du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (Coct), a plaidé en faveur de la prévention primaire pour éviter ou réduire les risques d'exposition aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (dits CMR). Auteur du rapport de 2008 sur la traçabilité des expositions professionnelles, il exhorte à développer la recherche appliquée, à encourager les expérimentations, ainsi qu'à élaborer et diffuser des outils correspondant au plus près aux spécificités des entreprises.
Entre sous-estimation et déni du risque
Plusieurs freins au développement de la prévention ont été identifiés par des médecins du travail1 : le coût financier, les habitudes et la sous-estimation, voire le déni du risque... Les participants au colloque ont estimé à la fois difficile et insuffisant le suivi postprofessionnel, en particulier celui des salariés des TPE-PME et des sous-traitants. L'absence totale de suivi s'avère même criante pour les intérimaires, les plus touchés par les changements d'emploi et d'employeurs et les moins convoqués aux visites médicales. L'initiative prise par le service de médecine du travail APST BTP de Nice n'en est apparue que plus intéressante. Ce service interentreprises, paritaire, a mis en place un suivi postexposition amiante pour les salariés de plus de 50 ans. Il a constaté que 69 % des salariés suivis avaient été exposés au matériau cancérogène. Plus de 2 000 salariés ont déjà bénéficié de l'évaluation. Et plus de 300 de la prescription d'un scanner. Ce dernier a révélé des anomalies dans plus d'un cas sur deux.
Les intervenants de l'INRS ont rappelé que 900 000 professionnels du BTP risquent aujourd'hui encore d'être exposés à l'amiante. D'où l'idée d'améliorer les exigences en matière de repérage avant travaux. D'autres manquements ont été relevés : absence de mention du risque cancérogène dans les documents uniques d'évaluation des risques, inexistence des fiches de poste ou d'exposition, déficit en matière de traçabilité des expositions...
Saluant le travail en réseau illustré par le colloque, Michel Héry, chargé de mission à l'INRS, a souligné l'intérêt des échanges avec la Mutualité sociale agricole (MSA), mobilisée contre les dangers des produits phytosanitaires. Pour sa part, Daniel Lejeune a évoqué la nécessaire prise en compte des agents des collectivités territoriales et des travailleurs indépendants. Car n'oublier personne face au fléau constitue un enjeu majeur.
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Voir l'enquête de l'Institut national du cancer " Etude des connaissances et pratiques des médecins du travail ".