Rien ne prédestinait Michel Parigot à devenir un pivot stratégique de la défense des victimes de l'amiante. Ce natif de la campagne bourguignonne a étudié la philosophie - il est titulaire d'une licence -, avant d'opter définitivement pour les mathématiques et de décrocher un poste de chercheur en logique au CNRS. Militant dans l'âme mais se tenant à l'époque éloigné de tout engagement, il travaillait juste à l'université Paris 7... autrement dit, les tours amiantées de Jussieu. " En 1994, on a appris l'existence de huit cas de maladies professionnelles, touchant du personnel des services techniques. Avec des collègues, nous avons fondé une association, le Comité anti-amiante Jussieu. "
" Question de responsabilité "
Michel Parigot s'empare alors de l'amiante comme il traite ses sujets de recherche, en les " labourant " à fond : revue de la littérature scientifique, visite de chantiers de désamiantage. Et il utilise toutes les armes à sa disposition, les médias, mais aussi le droit. Au point d'ébahir certains professionnels : " Il n'a pas tardé à devenir un virtuose du droit, notamment administratif, affirme Michel Ledoux, avocat des victimes de l'amiante. La clarté de ses raisonnements nous a beaucoup aidés dans la mise en place de la stratégie judiciaire pour défendre les victimes. "
Car ce combat a entraîné Michel Parigot bien plus loin qu'il ne le pensait au départ - quelques mois de pression pour obtenir le désamiantage de Jussieu : " Le Comité anti-amiante était sollicité pour des conseils, de l'aide. On ne pouvait laisser tomber. Avec la Fnath et Alert, nous avons créé l'Andeva en février 1996
. " Il en est aujourd'hui le vice-président, n'étant jamais parvenu à décrocher. " Question de responsabilité, explique-t-il. Pour défendre les victimes et faire progresser la prévention, il faut engranger des connaissances médicales, techniques, etc. Cela nécessite un travail de recherche fait... pour un chercheur. " Ses compétences et sa détermination ont plaidé pour les procès pénaux, avec une première plainte en 1996 : " Aller au pénal, c'est dire qu'il y a des responsables à cette catastrophe sanitaire et qu'il faut les chercher. " Pragmatique, il prône les avancées à petits pas. A l'instar de la condamnation des employeurs pour faute inexcusable : " Il était logique de prendre d'abord les cas les plus faciles, les industries de transformation de l'amiante, puis d'élargir par cercles concentriques. "
Membre du conseil d'administration du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, il ne s'en laisse pas conter, comme a pu le constater Pierre Sargos, président du fonds jusqu'à récemment : " C'est une personnalité qui se détache par sa profonde maîtrise des mécanismes de la réparation des préjudices. " Pour Pierre Pluta, président de l'Andeva, les victimes seraient moins bien indemnisées si le mathématicien n'avait pas bataillé : " Par la finesse de ses analyses, il sait contrer les intérêts des "empoisonneurs". Il a aussi la faculté de convaincre et rassembler autour de ses propositions. " Autant dire qu'il est peu apprécié de certains, voire redouté des pouvoirs publics.
Quand il parle, Michel Parigot dit " nous ", rarement " je ". Même si on lui prête certaines victoires, comme le retour, sur décision du Conseil d'Etat, du porte-avions Clemenceau parti vers l'Inde pour être désamianté et démantelé. Lui préfère évoquer l'action menée conjointement avec Greenpeace et raconter qu'il avait, comme d'autres, son visa en poche. Pour aller jusqu'au bout, au cas où la justice n'aurait pas dit le droit...