Que sait-on de l’impact du flex office sur la santé des salariés ?
Anne-Sophie Maillot : A ce jour, peu d’études explorent cette question. Selon mes observations, l’articulation entre le télétravail et le flex office engendre, à court terme, une surcharge cognitive et une fatigue liées à l’utilisation intensive des nouvelles technologies, piliers de ce mode d’organisation hybride. Le flex office s’appuie principalement sur des espaces de travail en open space, complétés par des zones d’appoint dédiées par exemple aux appels ou aux réunions. Dans ce contexte, la difficulté la plus souvent évoquée est la fatigue provoquée par le bruit. Nombre de salariés se disent perturbés par les échanges fréquents de leurs collègues, indispensables à la réalisation de leurs missions. Par ailleurs, une dimension symbolique semble affecter leur lien à l’entreprise. Certains salariés ont exprimé la douleur ressentie à devoir réserver une place pour travailler. C’est comme s’ils n’avaient plus de véritable place physique pour exister au sein de l’entreprise, en dehors de ce qu’ils appellent leur « casier piscine ».
Dans quelle mesure le travail en flex office peut-il également affecter la productivité des travailleurs ?
A-S. M. : Dans l’un des services analysés, les salariés apprécient de venir au bureau, mais uniquement pour la dimension sociale du travail. Ils expliquent être fortement perturbés par le bruit des open spaces et par le manque d’espaces d’appoint, ce qui compromet leur productivité. En conséquence, ils reportent une grande partie de leurs tâches sur leurs journées de télétravail. Lorsque l’entreprise ne parvient plus à offrir un cadre permettant d’atteindre l’objectif principal – travailler efficacement –, cela fragilise également le lien entre le salarié et l’organisation.
Au-delà de la santé, quelles conséquences le flex office a-t-il sur le collectif de travail ?
A-S. M. : De nombreux travaux portant sur le télétravail pointent déjà une détérioration. En flex office, l’impact varie selon la nature du métier. Lorsque la coordination et les échanges pour gérer les imprévus sont essentiels, le flex office peut compliquer les choses, car il impose une grande anticipation du travail, ce qui est rarement faisable. L’architecture même de l’espace de travail joue un rôle crucial dans le maintien du collectif. Les retours sont souvent plus négatifs lorsque les salariés ne disposent pas de zones dédiées ou de « quartiers » spécifiques, les obligeant à s’installer n’importe où, parfois loin de leur équipe. Cette dispersion physique entraîne une perte de repères, tant pour soi que pour les autres. Finalement, la réalité s’éloigne souvent des promesses d’ouverture et de collaboration associées au flex office. Cette organisation rationalisée de l’espace tend à limiter les échanges spontanés en face-à-face.
Sur quel socle de principes le flex office doit-il reposer pour bien fonctionner ?
A-S. M. : Il doit intégrer les salariés dès la conception de l’espace. Comme ils ont une vision fine de leur travail et de leurs besoins, ils constituent une ressource clé pour les directions. La réalisation de simulations préalables peut s’avérer pertinente, par exemple en testant des configurations au sein de deux services distincts. L’organisation en « zones » ou « quartiers » permettant aux membres d’un même service de se regrouper semble mieux répondre aux besoins des équipes. Un autre point crucial est d’éviter des « ratios de foisonnement » trop faibles, par exemple des taux de 40 ou 50 postes de bureau pour 100 salariés. Il est essentiel de laisser aux salariés une marge de manœuvre pour se réapproprier les espaces, de veiller à pouvoir rediscuter les politiques d’usage des espaces. Un flex office trop rigide risque de pousser les salariés à privilégier le télétravail, perçu comme plus adapté et avantageux pour réaliser leur travail.
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