Le flex office, un marché propice à la standardisation
Consultants, architectes et autres « space planners » accompagnent les entreprises dans la conception et la réalisation de leurs projets de flex office. Avec des méthodes et des priorités parfois défavorables aux intérêts des salariés. Troisième article de notre dossier « Flex office : comment éviter la lutte des places ».
Dans le cadre d’un projet de flex office, le recours à des acteurs extérieurs est souvent un passage obligé. « Les directions immobilières des entreprises disposent rarement, en interne, de compétences en matière d’architecture et de planification spatiale », souligne Chiara Lai, docteure en psychologie du travail et autrice d’une thèse consacrée à ces espaces de travail. Des cabinets de conseil en immobilier d’entreprise tels que JLL, Colliers ou Kardham répondent à cette demande d’expertise. Ces maîtres d’œuvre guident le maître d’ouvrage, c’est-à-dire l’entreprise, et peuvent accompagner les projets de A à Z, jusqu’à l’organisation du déménagement si celui-ci est prévu.
Dans un contexte où le flex office est synonyme d’économies immobilières, ces cabinets apportent d’abord avec eux les nouveaux standards de ces aménagements et proposent des scénarios en fonction du taux de télétravail visé. « Ils aident à déterminer le taux de flex, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de postes et les effectifs présents dans l’entreprise », indique l’architecte Bruno Michel, du cabinet M&V/A. « Ils vont aider à optimiser les espaces, à leur donner du sens et à les mettre au service d’un projet de transformation », ajoute Chiara Lai, qui a étudié les méthodes de l’un de ces grands cabinets.
Pour cela, des consultants spécialisés en environnement de travail sont mobilisés. Leur tâche consiste à recueillir les besoins des différents services de l’entreprise, mais selon une méthode d’observation et de consultation définie avec le client en amont. Les qualifications de ces équipes peuvent être variées : sociologues, ergonomes, psychologues du travail, mais aussi diplômés d’écoles de commerce ou d’ingénieurs, décrit la chercheuse.
Attention aux « space planners »
Vient ensuite l’élaboration des plans. On distingue le « macro zoning », qui consiste à répartir les différentes zones du flex office (cafétéria, salles de réunion, espaces de travail…), du « micro-zoning », qui détermine l’aménagement au sein de chaque entité. Un terrain réservé des architectes, même si ces derniers y sont parfois placés dans une position d’exécutants. « Il peut arriver que des architectes travaillent à partir d’un macro-zoning défini par des consultants », observe Bruno Michel.
La profession est également concurrencée par des « space planners ». Derrière ce terme fourre-tout étroitement associé aux espaces professionnels se trouvent aussi bien des architectes d’intérieur que des designers d’espace davantage orientés sur l’esthétique, et dont les cursus nécessitent moins d’années d’études. Les fabricants de mobilier se sont également emparés du « space planning », ce qui augmente le risque de standardisation des environnements de travail, loin d’une conception sur mesure finement adaptée aux activités.
Le marché attire les convoitises. Il convient donc d’être attentif au profil du maître d'œuvre et aux qualifications des consultants. « L’objectif d’une partie des acteurs vise à consommer le moins de temps possible », avertit Bruno Michel. Chiara Lai, de son côté, renvoie d’abord aux intentions de l’employeur et à sa volonté de tenir compte du travail réel. « La qualité des projets de flex office dépend des délais dans lesquels ces projets doivent être menés, explique-t-elle, mais aussi des moyens dédiés et des interlocuteurs consultés. »
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