Le forfait jours est un mode d'organisation et de décompte du temps de travail appliqué à de nombreux salariés aujourd'hui. Il permet de mesurer ce temps, non pas en heures sur la semaine ou le mois, mais en jours travaillés sur l'année. Si le repos quotidien et hebdomadaire prévu par la loi, les cinq semaines de congés payés et le caractère chômé du 1er mai doivent être respectés, la durée maximale de travail, quotidienne ou hebdomadaire, peut être dépassée sans aucune compensation en heures supplémentaires. Les enjeux en matière de santé au travail sont donc essentiels pour les salariés concernés, qui peuvent être amenés à travailler selon ces modalités 218, voire 235 jours par an.
A l'origine, le forfait jours concernait les cadres autonomes dans leur emploi du temps, aux fonctions peu compatibles avec des horaires collectifs. Mais, au regard de la loi, le dispositif peut être appliqué à tout salarié, dès lors qu'il est considéré autonome du fait des responsabilités qui lui sont confiées. De ce point de vue, le droit du travail a contribué à alimenter un brouillage des catégories juridiques applicables aux travailleurs exerçant des responsabilités et/ou assurant un encadrement. Le statut de cadre, la notion de cadre dirigeant concernant la durée du travail, celle de délégataire de pouvoir en matière de responsabilité pénale ou celle de salarié autonome du point de vue du forfait jours ne renvoient pas nécessairement à des situations, des droits, des obligations ou des réglementations identiques.
Consentement exprès du salarié
A l'origine, seule la loi encadrait le forfait jours, en posant des conditions simples : consentement exprès du salarié et existence d'un accord d'entreprise ou de branche pour en définir l'application. La jurisprudence est intervenue dès 2011 pour corriger certaines dérives liées au dispositif. Convoquant dans plusieurs arrêts les normes de l'Organisation internationale du travail (OIT) et les textes européens protégeant les droits fondamentaux, notamment la directive de 2003 sur le temps de travail, la Cour de cassation a imposé que toute organisation du temps de travail en forfait jours garantisse la protection de la santé des salariés concernés. Sur la base de ces exigences, des dispositions conventionnelles ont été invalidées dans plusieurs secteurs (BTP, expertise-comptable, commerce de détail et de gros alimentaire...), très souvent lorsqu'aucun suivi de la charge de travail n'était organisé ou lorsqu'il revenait au salarié de décompter lui-même son temps de travail.
Droit à la déconnexion
Tout forfait jours doit donc être compatible avec la protection de la santé du cadre ou non-cadre concerné. Afin d'intégrer dans les dispositions légales ces contraintes supplémentaires décidées par la Cour de cassation, le législateur est à nouveau intervenu sur le sujet. La loi du 8 août 2016 impose dorénavant que l'accord encadrant le forfait jours prévoie des mesures relatives au suivi de la charge de travail et au droit à la déconnexion. Cette nouvelle orientation de la loi corrèle explicitement la validité du forfait jours avec la protection de la santé au travail. Certes, la charge de travail renvoie à un concept juridique encore flou et le droit à la déconnexion est pour l'instant peu contraignant : seule une obligation de négocier ou d'élaborer une charte s'impose à l'entreprise. Pour autant, cet encadrement du forfait jours rappelle utilement que l'organisation de la durée du travail des salariés cadres ou encadrants doit être compatible avec l'exigence générale de prévention pesant sur l'entreprise.