Lancé en mars 2022, le plan santé au travail dans la fonction publique doit n’être qu’une première pierre, selon la direction générale de l’Administration et de la Fonction publique (DGAFP). « C’est un vrai changement de paradigme dans la façon dont sont appréhendés la santé au travail, la prévention des risques professionnels, l’amélioration des conditions de travail et les enjeux de qualité de vie au travail dans la fonction publique, explique Sophie Baron, sous-directrice des politiques sociales. Ce plan a pour but de rendre visible et de structurer la politique menée, de définir une feuille de route et un cadre de référence. » Pour Sophie Baron, il est encore trop tôt pour en établir un premier bilan. « La DGAFP est satisfaite de la dynamique de travail enclenchée avec les organisations syndicales pour la mise en œuvre de ce plan de pilotage et de gouvernance », estime-t-elle néanmoins.
Une vision nuancée par les représentants syndicaux. Ceux-ci auraient voulu que le lancement du plan s’accompagne de moyens budgétaires et humains dédiés et regrettent vivement l’absence de contraintes. « Comme le préconisait le rapport de Charlotte Lecocq
, nous voulions des mesures coercitives pour obliger employeurs et chefs de service à mettre en place une véritable culture de prévention », souligne Christophe Godard, responsable santé-travail de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat (UFSE) de la CGT. « Nous partageons les objectifs du plan santé au travail, mais le problème consiste en leur application sur le terrain », résume-t-il. L’Unsa Fonction publique reconnaît également que le plan comporte « des indicateurs et une pluriannualité jusqu’en 2025 nécessaire pour la mise en œuvre d’une réelle amélioration des conditions de travail », confirme Annick Fayard, secrétaire nationale.
Priorités et retards
Avec ses 16 objectifs et ses 36 mesures, le document dessine des priorités, dont le déploiement est discuté avec la formation spécialisée sur les questions de santé au travail du Conseil commun de la fonction publique, dite FS4. Avec parfois des retards. « Parmi les mesures qui ont pris un grand retard, il y a l’élaboration d’un guide d’application pour l’installation et le fonctionnement des nouvelles instances dédiées à la santé au travail, en place dès janvier 2023 », note Hervé Moreau, secrétaire national de la FSU. Les CHSCT disparaissent en effet en ce début d’année dans la fonction publique (voir article), et les conditions de leur remplacement par de nouvelles formations spécialisées en santé, sécurité et conditions de travail (FSSSCT) ne sont pas suffisamment précisées.
En revanche, un guide sur la création d’espaces de discussion sur le travail vient d’être publié, conçu avec le concours de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). « Sur une vingtaine de pages, ce guide, à mi-chemin entre un court document de sensibilisation et un précis méthodologique fouillé, reprend les grands principes portés par l’Anact sur l’apport de ces espaces de discussion et leur construction, complétés par des descriptions d’expériences menées dans la fonction publique », détaille Nicolas Fraix, chargé de mission de l’Anact.
Bonnes pratiques
Consultés sur une version intermédiaire, les représentants syndicaux regrettent de ne pas avoir été associés à la genèse du guide, alors qu’ils en partagent l’objectif. « La mise en place de ces espaces de discussion au niveau du collectif de travail est un moyen indispensable pour traiter de l’organisation du travail et de l’amélioration des conditions de travail, soit dans des situations difficiles, soit dans une démarche de progrès », souligne Ludovic Palisson, conseiller national de l’Unsa Fonction publique. « Ces espaces devraient participer à une meilleure prévention des risques professionnels par le dialogue », indique également Christophe Godard.
Créé en 2018, le Fonds interministériel pour l’amélioration des conditions de travail (Fiact) est une autre initiative de la DGAFP. Actuellement doté de 1,1 million d’euros, il permet de financer des actions de prévention. Son fonctionnement vient néanmoins d’être partiellement revu, après quelques dérives observées sur les mesures qu’il a accompagnées. « En 2022, nous avons voulu que les projets soient davantage centrés sur des actions à la fois plus innovantes et plus réplicables, de sorte à pouvoir les mettre en visibilité à titre de bonnes pratiques », commente Sophie Baron. « Il est enfin acté que les employeurs peuvent présenter une demande de subvention dans le cadre du Fiact seulement s’ils ont réalisé leur document unique d’évaluation des risques professionnels », se réjouit Annick Fayard.
De fait, les documents uniques (DUER) ne sont pas réalisés dans la moitié des cas, privant la DGAFP de données utiles pour piloter la prévention. Un obstacle qu’elle souhaite lever. « La promotion de la culture de prévention passe par la capacité à évaluer les risques et d’y adosser des programmes de prévention à partir des diagnostics réalisés grâce aux DUER, argumente Sophie Baron. Dans les années à venir, notre préoccupation est de structurer et de renforcer la remontée de données. Un chantier colossal puisqu’il concerne cinq millions d’actifs. »
Le plan santé au travail a aussi identifié d’autres chantiers, dont le calendrier de mise en œuvre reste à définir. C’est le cas pour le reclassement et l’usure professionnelle. Sur ces sujets, la DGAFP sollicite là encore l’Anact pour la rédaction de deux guides. « Le premier portera sur l’identification des situations à risque d’usure, le second sur les entretiens au cours de la carrière », indique Nicolas Fraix. L’Agence devrait aussi participer à la réalisation d’un référentiel sur les accords et chartes en matière de qualité de vie et conditions de travail.