Que des gens soient mal au boulot, je ne le supporte pas." Rien d'étonnant à ce que Dominique Chopin soit entré, il y a dix ans, au CHSCT de SPBI-Etablissement Jeanneau, société des Herbiers (Vendée) où 1 200 salariés fabriquent des bateaux de plaisance. Secrétaire du CHSCT depuis huit ans, ce Nantais partage sa vie professionnelle entre son métier de stratifieur, qu'il aime beaucoup, et le combat pour l'amélioration des conditions de travail. Employé, au début de sa carrière, sur un chantier nautique des Sables-d'Olonne, il adhère à la CFDT avec l'envie de "défendre les autres". Il est frappé, à son arrivée chez Jeanneau, par le nombre de salariés en souffrance, sur un site qui compte 90 % d'ouvriers, dont 40 % de femmes : "Beaucoup avaient des douleurs, mais personne n'osait se plaindre de la charge de travail. Des femmes pleuraient. Il fallait souffrir en silence et faire ce que la maîtrise ordonnait." Au CHSCT, son premier projet est de créer une cellule d'écoute, avec des membres de l'instance et l'appui de la direction. Objectif : identifier la source du mal-être et trouver une solution, qu'elle passe par un changement de poste ou des modifications plus profondes, comme revoir le temps de fabrication des pièces avec les techniciens méthode pour intégrer la charge mentale. La cellule a disparu il y a trois ans : "Elle avait porté ses fruits. Les salariés étaient moins en demande, la maîtrise était davantage à l'écoute."
"Ne souffrez plus en silence !"
Denis Gilbert, représentant CFDT au CHSCT, ne regrette pas d'avoir incité le jeune opérateur à y entrer : "Il est actif, peut-être un peu impulsif, mais il aime aller au bout des choses. Au début, il était très axé sur les protections individuelles. Mais, très vite, il a compris la nécessité de l'approche collective." L'autre champ sur lequel Dominique Chopin bataille, c'est celui des maladies professionnelles (MP). Le travail physique, dans des postures contraignantes, est à l'origine de nombreux troubles musculo-squelettiques. Une campagne d'affichage intitulée "Ne souffrez plus en silence, déclarez vos maladies professionnelles" provoque l'ire de la direction. Mais l'équipe tient bon et une commission est mise en place au sein du CHSCT pour faire de la prévention en agissant sur le matériel et l'organisation du travail. Le secrétaire de l'instance le reconnaît, obtenir des avancées est laborieux : "On parvient à travailler sur les conditions de travail physiques, mais peu sur le management ou l'organisation."
Et encore moins depuis l'introduction du lean manufacturing, il y a deux ans. "Nous sommes allés visiter des usines qui pratiquaient cette méthode de production et, dès le début, nous avons mis en garde sur une augmentation des MP et du mal-être. Le lean individualise le travail. Beaucoup vivent mal cette disparition du collectif, le fait de ne pouvoir être aidé ou de ne pas aider." Pour Jean-Yves Texier, consultant chez Syndex qui a mené une expertise suite au plan social de 2008, c'est une des qualités de Dominique Chopin : "Il ne passe pas à côté des difficultés rencontrées par les salariés." Depuis septembre 2011, 48 maladies professionnelles ont été déclarées, un chiffre qui augmente. Le secrétaire du CHSCT ne baisse pas les bras. La lutte du moment ? Obtenir la suppression de la réunion quotidienne matinale - une des nouveautés du lean -, qui "ne sert à rien et prend sur le temps de production". Autre préoccupation : que les salariés victimes de MP ne soient pas déclarés inaptes et licenciés. "On se bat pour qu'ils retravaillent, même s'ils doivent faire dix tâches différentes. Cela me révolte que l'entreprise, après avoir handicapé les gens, les mette dehors comme des denrées périssables."