Quel contrôle social les représentants des salariés peuvent-ils exercer sur l'activité des services de santé au travail interentreprises (SSTI) ?
Maurice Demuynck : Des représentants des salariés siègent au conseil d'administration et à la commission de contrôle de chaque SSTI, depuis la loi de 2011 et ses décrets d'application réformant la médecine du travail.
Comment cela fonctionne-t-il au sein du conseil d'administration ?
M. D. : L'expérience montre que c'est compliqué. La loi impose autant de représentants des employeurs adhérents du service que des salariés suivis par ce dernier. Mais le président, qui est obligatoirement un employeur, a une voix prépondérante. Certes, le trésorier doit être un représentant des salariés, mais il a davantage un rôle de courroie de transmission que de contre-pouvoir. Par ailleurs, les rôles des représentants des salariés au conseil d'administration et à la commission de contrôle sont souvent confondus. Ça ne fonctionne pas terriblement bien. A la CGT, nous préférons nous arc-bouter sur le rôle et les responsabilités de la commission de contrôle.
Quelle est exactement la fonction de cette dernière ?
M. D. : La commission de contrôle comporte deux tiers de représentants des salariés et un tiers de représentants des employeurs. Le président est obligatoirement membre du collège salariés et le secrétaire du collège employeurs. Les réunions de la commission ont lieu au moins deux fois par an. Outre les aspects discutés en conseil d'administration, on y aborde des questions beaucoup plus liées à la santé au travail.
Par exemple ?
M. D. : La commission de contrôle peut intervenir sur les embauches, les départs et mutations des médecins du travail. Elle a un rôle protecteur vis-à-vis des salariés suivis par le service, mais aussi des salariés du service lui-même. Par exemple, dans un SSTI, un employeur a mis en cause un médecin du travail et voulu le licencier. La commission, qui doit en être informée, a refusé que cette sanction s'applique et l'employeur a abandonné. De manière générale, dès que la commission entend parler de ce type de tentative, elle peut taper du poing sur la table. Quand les procédures sont en cours, malheureusement, c'est beaucoup plus difficile.
La commission s'intéresse aussi au fonctionnement du service : comment les médecins du travail coopèrent avec les équipes pluridisciplinaires, comment ils les animent, en fonction de leurs moyens. Elle est là pour surveiller que la demande de l'agrément par le SSTI et son octroi se passent normalement. Enfin, elle a un rôle d'alerte : on y observe l'évolution du nombre des inaptitudes, par exemple.
Tout cela ne menace-t-il pas l'indépendance des professionnels de santé au travail ?
M. D. : Bien au contraire, les membres des commissions de contrôle ne sont pas dans une relation de subordination avec les directions des services. Il leur est plus facile de rester sur les fondamentaux : développer des objectifs de prévention, maintenir le suivi médical à la hauteur des besoins. Leur formation, leur connaissance des plans régionaux de santé au travail et des activités de prévention des caisses de la Sécurité sociale peuvent enrichir les travaux au sein des SSTI.
Quelles sont les difficultés rencontrées jusqu'ici ?
M. D. : Les directions régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi sont chargées du suivi des SSTI, mais elles n'interviennent pas pour faire respecter la loi sur leur gouvernance. Il y a déjà eu des entraves à des réunions de commissions de contrôle, mais jamais l'agrément des services concernés n'a été remis en cause.