Y a-t-il des catégories de population, des secteurs, dans lesquels les risques pour la santé psychique sont plus élevés qu'ailleurs ? Question simple, mais réponse compliquée. Selon les aspects auxquels on s'intéresse, on ne va pas forcément attirer l'attention sur les mêmes métiers. A l'échelle nationale, une approche prudente a cependant été proposée dans le cadre d'une étude, réalisée à partir de l'enquête Santé et itinéraire professionnel (voir "A lire") En rapprochant les réponses à une soixantaine d'items du questionnaire, cette étude permet de dresser six "profils" de facteurs de risque et de repérer les catégories de salariés qui y sont plus ou moins représentées.
Le premier profil, celui de "faible exposition", regroupe 28 % de l'échantillon. Ces salariés se disent, dans leur très grande majorité, à l'abri d'une surcharge de travail ou de tensions avec un public et jugent leur travail bien reconnu. On peut les rencontrer dans des métiers divers, un peu plus souvent chez les ouvriers du bâtiment ou dans les services directs aux particuliers.
L'intitulé du deuxième profil peut surprendre : "sans reconnaissance mais sans dommage". Les 19 % de répondants concernés considèrent ne pas recueillir l'estime que leur travail mérite et avoir des perspectives de carrière peu satisfaisantes, mais affirment que cela ne les dérange pas. Selon l'étude, il y aurait là "une mise à distance du travail [qui] semble rendue possible par la relative faiblesse des exigences du travail auxquelles ils sont soumis". Ces salariés sont répartis entre métiers de manière équilibrée.
Ensuite, 16 % des salariés sont caractérisés par une "forte exposition émotionnelle mais avec du soutien". Amenés, bien plus que la moyenne, à côtoyer un public en détresse, à devoir calmer des clients, à être parfois victimes d'agressions verbales, ils apprécient cependant l'appui que leur environnement professionnel leur apporte. Sont surtout présents dans ce profil des professions de la santé et du travail social, de l'éducation, ainsi que des cadres de la fonction publique
Travail dans l'urgence
Les "sous pression" (15 %) sont non seulement plus exposés aux tâches multiples et à la hâte permanente, à des changements mal préparés, mais ils ne peuvent pas non plus assurer comme ils le souhaiteraient la qualité de leur travail. Très en vue dans ce profil : les cadres d'entreprise et les professions intermédiaires, administratives ou commerciales du secteur privé.
Chez les "sans reconnaissance ni soutien" (13 %), à la différence du deuxième profil, les salariés sont nombreux à souffrir du manque de respect, d'estime ou de coopération et mentionnent relativement souvent des agressions verbales de la part de supérieurs ou de collègues. Toutes les catégories sociales peuvent être concernées, mais en particulier les métiers de la santé et de l'enseignement.
Enfin, les "surexposés" (9 %) cumulent souvent plusieurs des facteurs déjà évoqués, et de surcroît des sensations d'ennui, de routine, de défaut d'occasions d'apprendre. On se situe souvent, ici, dans des métiers d'ouvriers ou d'employés peu qualifiés, avec des statuts précaires.
Outre l'intérêt d'une approche combinée des facteurs d'insatisfaction ou de souffrance, cette analyse aboutit à des liens nets avec la santé, tels que perçus par les salariés. A la question "Dans les années à venir, pensez-vous que votre travail risque de nuire à votre santé ?", les réponses affirmatives croissent dans l'ordre des profils présentés ci-dessus : de 17 % pour les "faiblement exposés" à 75 % pour les "surexposés". Un écart considérable.