Le réseau de l'Anact a choisi d'organiser cette année la Semaine de la qualité de vie au travail sur le thème de la conciliation des temps de vie privés et professionnels. Pourquoi ?
Florence Loisil : Le réseau Anact-Aract constate que la conciliation des temps apparaît comme un enjeu croissant. Les entreprises peinent à gérer les tensions entre, d'une part, leurs exigences de performance et de qualité de service et, d'autre part, les questions de santé au travail et de maintien en emploi. Les risques psychosociaux, la baisse de la qualité de service, l'absentéisme, l'affaiblissement des collectifs de travail, les difficultés de gestion des plannings sont autant d'indices.
De leur côté, confronté-e-s aux horaires atypiques, à l'intensification du travail, hommes et femmes recherchent des solutions pour tenir, dans la durée, leurs responsabilités professionnelles, familiales et personnelles.
Aujourd'hui, cette articulation reste au coeur des inégalités entre les femmes et les hommes dans le champ professionnel. Néanmoins, les évolutions sociétales autour de la famille font que la conciliation entre vie privée et vie professionnelle sera de moins en moins une question féminine. Outre les incitations publiques faisant la promotion de la paternité, l'avancée en âge conduit aussi beaucoup d'actifs à soutenir leurs parents dépendants.
Quelle est l'approche de l'Anact sur ces questions ?
F. L. : Parler d'articulation ou d'équilibre des temps oriente trop souvent la réflexion sur des contraintes extraprofessionnelles et des choix individuels, alors qu'il faut travailler concrètement sur l'organisation du temps de travail. La plupart des entreprises acceptent des mesures d'aménagement individuel du temps de travail. Selon qu'il s'agit d'une grande entreprise ou d'une PME, l'éventail des possibles est plus ou moins étoffé : temps partiel, jours enfant malade, horaires variables, horaires à la carte, semaine compressée, etc. De même, certaines grandes entreprises se sont dotées de conciergeries, de crèches, de salles de sport, etc. Tout cela complète l'offre du territoire et répond effectivement à des besoins des salariés, mais ces mesures ont l'inconvénient d'être coûteuses et de ne pas remonter aux sources des problèmes de conciliation des temps.
Y a-t-il des pistes de prévention ?
F. L. : L'organisation du temps de travail est soumise à des contraintes nouvelles, liées aux transformations des marchés, des entreprises, des attentes des salariés et des caractéristiques des territoires. Le réseau Anact invite à réinterroger l'articulation entre ces quatre dimensions, afin de desserrer les contraintes auxquelles sont soumis salariés et entreprises. Qu'est-ce qui pèse sur l'organisation du travail ? Peut-on alléger certaines contraintes liées aux modes d'utilisation des équipements, au positionnement de l'entreprise par rapport à ses clients et ses marchés, aux choix d'organisation du temps du travail ? Comment trouver de nouveaux "compromis temporels" ?
A titre d'exemple, les nouvelles techniques de réfrigération ont permis à une fromagerie d'arrêter le travail de nuit et de reporter au petit matin le travail sur le lait conservé depuis la veille. Le passage en horaires de journée des entreprises de nettoyage participe également de cette logique. Evolution technologique dans le premier cas et repositionnement commercial dans le second ont permis de remettre à plat les contraintes temporelles et de faire évoluer l'organisation des temps de travail sans remettre en cause la performance des entreprises.