L'accord national interprofessionnel (ANI) sur la qualité de vie au travail, signé en juin 2013, propose d'expérimenter la création d'espaces de discussion sur le travail dans les entreprises, en suggérant un cadre de base. Comment faire pour que ces espaces ne soient pas de simples lieux de passation de consignes ou d'informations descendantes, mais bien des moments d'échange sur le travail ?
Il convient tout d'abord d'être clair sur l'objectif : permettre aux salariés de s'exprimer librement sur leur activité, sans filtre ni autocensure. Il faut ensuite adapter le fonctionnement de ces groupes d'expression à leur contexte. Ils doivent tenir compte de l'histoire sociale de l'entreprise, de son organisation, des causes identifiées d'absence de discussion sur le travail. Autrement dit, un diagnostic préalable est nécessaire. A partir de là, il n'y a pas de recette. Mais si on veut sincèrement favoriser les capacités de discussion sur le travail, entre les agents, entre eux et les encadrants, et entre les managers, certaines questions méritent d'être posées au préalable.
A commencer par le point de départ de la discussion. Autour de quoi organise-t-on les échanges ? Il faut pouvoir discuter de situations concrètes de travail qui posent problème, mais aussi de situations dont on veut partager l'expérience. Il s'agit ensuite de définir un périmètre pertinent du point de vue de l'organisation du travail, censé favoriser au mieux l'expression. Afin de garder le contact avec le terrain, le travail quotidien, réunit-on une équipe, un service, deux services ? Faut-il des groupes homogènes ou hétérogènes ? La réponse peut varier selon que des métiers très différents existent au sein d'une même équipe. Doit-on privilégier des grands ou des petits groupes ?
Qui anime ?
Autre élément important : le rythme. Les réunions sont-elles espacées ou fréquentes ? Cela peut dépendre du moment, par exemple si l'entreprise est en train de vivre une réorganisation ou intègre de nouveaux locaux. S'agit-il d'un dispositif formel ou pas ? Avec des réunions programmées à l'avance ou selon les besoins ? Et qui en décide ? La question de l'animation doit être posée. Qui s'en charge ? Faut-il inclure les encadrants ? Si oui, à quel moment ? Faut-il la présence de personnes extérieures au groupe, en fonction des besoins ? L'enjeu est d'abord la liberté de parole, mais l'objectif est la mise en discussion des questions au sein de l'équipe, avec tous les acteurs.
Reste l'issue donnée aux discussions. Qu'est-ce qu'on fait avec ce qui est discuté ? Faut-il formaliser les échanges ? Y a-t-il des comptes-rendus ? Comment fait-on remonter ce qui ne peut pas être traité dans le périmètre du groupe ? Quelles doivent être les passerelles éventuelles avec les représentants du personnel ? Quels sont les signes d'engagement donnés par la direction sur la prise en compte du résultat des discussions ? Une communication est-elle organisée autour du dispositif ? De quel type ? Par qui ? Quelle évaluation sera faite du dispositif, par qui et comment ?
Après avoir traité toutes ces questions, il en reste malgré tout une dernière, incontournable : faut-il vraiment des groupes d'expression spécifiques ? Car, il faut bien le reconnaître, il peut sembler contradictoire de formaliser un dispositif d'expression tout en cherchant dans le même temps à fluidifier les échanges sur le travail. Sachant qu'il y a déjà de multiples lieux d'expression sur l'activité, de multiples canaux : groupes de travail, réunions de service, rencontres informelles, CHSCT... Au bout du compte, il s'agit d'instaurer une culture du dialogue et des échanges, c'est-à-dire de banaliser l'expression des salariés sur leur travail, entre pairs et avec la hiérarchie. Et que cette expression soit entendue.