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En finir avec l'usure physique

par François Desriaux / avril 2018

L'arbre qui cache la forêt. Si les risques psychosociaux constituent le phénomène marquant de l'évolution des problèmes de santé au travail au cours des trente dernières années, il ne faut pas perdre de vue que nombre de salariés sont encore exposés à d'importantes contraintes physiques. En cause, le port de charges lourdes, les postures pénibles, le travail debout, les déplacements longs et à pied, les vibrations... Sources de problèmes de santé à long terme, ces contraintes pèsent négativement sur le maintien dans l'emploi, notamment celui des salariés vieillissants. Certes, l'industrie lourde, les mines, la sidérurgie, généralement vues comme des secteurs à forte pénibilité physique, ont largement décliné, mais des activités, comme les services, la logistique ou la santé ont pris le relais. Certains modes d'organisation et de management ont aggravé les contraintes de rythme et donc la charge physique. Ainsi, la rationalisation excessive du travail, qui supprime les temps morts, augmente l'hypersollicitation des corps. Elle ôte aussi des marges de manoeuvre et empêche la coopération, facteur de protection. Telles sont les pistes de prévention prioritaires. Plusieurs exemples dans ce dossier montrent que c'est possible.

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Prévention sur mesure en pâtisserie artisanale

par Anne Pichené-Houard responsable d'études à l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) Mireille Lapoire-Chasset responsable d'études à l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) / avril 2018

Si le métier d'ouvrier pâtissier dans l'artisanat est dur physiquement et usant pour la santé, il l'est différemment selon le mode de production - plus traditionnel ou plus industriel. Avec la nécessité d'adapter les stratégies de prévention.

La pâtisserie artisanale demeure une activité à forte charge physique, et à l'origine de pathologies invalidantes. Ce qui contribue au départ massif des ouvriers pâtissiers bien avant l'âge de la retraite. Pourtant, des marges de manoeuvre existent. Dans ce secteur, employeurs et salariés sont fortement attachés à leur métier et à leur entreprise, ce qui facilite leur engagement dans l'analyse et la transformation du travail. C'est ce que révèle une étude menée par une équipe pluridisciplinaire associant l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et le Centre de recherches sur l'expérience, l'âge et les populations au travail (Creapt).

 

Forte exposition à la chaleur

 

Cette étude montre que la charge physique des salariés de la pâtisserie artisanale est encore élevée. Leur exposition à des charges lourdes, des postures contraignantes et des gestes répétitifs exécutés en force est comparable à celle de l'ensemble des ouvriers en France. En revanche, leur exposition à la chaleur apparaît deux fois supérieure. Ensemble, ces contraintes sont ressenties comme plus pénibles après 45 ans, quand surviennent des troubles musculo-squelettiques et de la circulation veineuse. Ces altérations de la santé sont accrues par la fatigue et les troubles du sommeil, liés aux contraintes d'horaire et de rythme trois fois plus fortes dans ce secteur.

Ainsi, les pâtissiers salariés de l'artisanat sont exposés à un risque d'usure prématurée, malgré une mécanisation accrue et le recours aux techniques de refroidissement, censées faciliter l'anticipation de la charge de travail. Dans les établissements observés, ces progrès ont été contrebalancés par la pression temporelle. Le travail s'y est intensifié. Pour autant, l'observation ergonomique a permis d'identifier des marges de manoeuvre et des stratégies d'action possibles, à adapter en fonction de l'âge des travailleurs et des modes de production. Deux configurations types ont été identifiées : l'une artisanale et traditionnelle, l'autre industrielle et rationnelle.

 

Jusqu'à 50 % d'apprentis

 

Dans la première, la production s'exerce en centre-ville, dans un immeuble ancien qui accueille aussi le lieu de vente. Les possibilités d'aménagement des locaux sont limitées. Des incohérences demeurent dans la circulation des personnes, la gestion des flux et des stocks. Cependant, aménager les postes, l'outil de production et l'organisation du travail est réalisable.

Dans la seconde configuration, le laboratoire est installé dans un bâtiment de plain-pied, distinct de la surface de vente. Cela permet une rationalisation des stocks, des flux de matières et de la circulation des personnes. Mais, dans ces unités, les apprentis constituent jusqu'à la moitié de l'effectif et supportent l'essentiel de la production de masse qui est congelée. Cette dernière, très répétitive, freine leur apprentissage des gestes de métier et les soumet à une forte charge physique. Un glissement des tâches les plus dures physiquement risque ainsi de s'opérer vers les plus jeunes et de favoriser leur usure prématurée. L'observation des travailleurs de plus de 30 ans montre néanmoins que les déclins fonctionnels s'accompagnent de la construction d'une expérience professionnelle riche et de la constitution de savoir-faire de préservation de la santé. Dès lors, il apparaît nécessaire de considérer la répartition des activités selon les âges en vue d'agir pour la santé de tous. En mettant notamment en oeuvre des mesures permettant de préserver les capacités individuelles et celles du collectif à partir du partage d'expérience.

À lire
  • "Les départs précoces des pâtissiers salariés de l'artisanat : comprendre pour agir en prévention", par A. Pichené-Houard, M. Lapoire-Chasset, L. Martel, C. Gaudart S. Volkoff et L. Claudon, Références en santé au travail no 147, septembre 2016. Téléchargeable sur le site inrs.fr