En matière de suivi médical et de prévention des risques professionnels, les travailleurs des services à la personne ne sont pas tous égaux. Et leur prise en charge demeure globalement difficile, du fait des conditions spécifiques d’exercice de l’activité – au domicile d’un particulier –, mais aussi et surtout des statuts d’emploi dont ils peuvent relever.
Celles et ceux qui sont salariés par une entreprise ou une association prestataire de services, ou qui le sont directement par un particulier employeur, à l’instar des employés de maison, peuvent être suivis dans un service de santé au travail interentreprises. Ils bénéficient normalement d’une consultation à l’embauche puis d’un suivi médical périodique a minima tous les cinq ans, réalisés par un médecin du travail et une infirmière de santé au travail. Les agents des structures d’aide à domicile qui dépendent de collectivités territoriales, notamment de centres communaux d’action sociale (CCAS), bénéficient eux aussi d’un suivi médical, assuré par un service de médecine de prévention de la fonction publique.
Des indépendants en marge du système
En revanche, de nombreux travailleurs en demeurent privés. C’est le cas de ceux qui ne sont pas déclarés et de la plupart des indépendants. Ces derniers, s’ils ont la possibilité d’adhérer à un service interentreprises, ne le font quasiment jamais car aucune mesure incitative n’est prévue pour cela. Or le coût de l’adhésion peut s’avérer dissuasif. De ce point de vue, la Mutualité sociale agricole (MSA) montre qu’il est possible de faire autrement : les exploitants agricoles ont accès sans surcoût au service de santé au travail, les nouveaux agriculteurs bénéficiant en outre d’un bilan médico-professionnel par un médecin du travail et d’une visite technique par un conseiller en prévention. Un dispositif qui pourrait être adapté aux métiers de services à la personne.
Le suivi médical de ces métiers constitue un enjeu d’autant plus important qu’ils sont potentiellement exposés à de nombreux risques, physiques, chimiques, biologiques ou psychiques, liés principalement à l’organisation du travail, aux déplacements, aux tâches exercées et à l’environnement de travail (lire article page 28). Sachant que le repérage de ces risques représente un défi. Il est en effet plus ou moins aisé selon le statut du salarié, la taille de la structure qui l’emploie, le nombre d’employeurs dont il dépend. L’un des principaux obstacles demeure la difficulté d’accès pour les professionnels de santé au travail au lieu d’exercice de l’activité, le domicile privé d’une personne. Dans le cas des salariés de particuliers employeurs, les expositions individuelles aux risques seront retranscrites principalement dans le dossier médical en santé au travail. Dans les entreprises ou associations, d’autres éléments d’ordre collectif figureront au sein des documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ou de la fiche d’entreprise réalisée par le service de santé au travail.
Aménagements à négocier
Au-delà de la traçabilité des risques, leur prévention est aussi fortement conditionnée par le statut d’emploi du travailleur. Pour le salarié d’un particulier employeur, il faudra obtenir la coopération et l’adhésion de ce dernier au projet de prévention, que ce soit pour l’achat de matériels – un aspirateur plus léger ou des outils plus ergonomiques –, pour l’aménagement du domicile, en vue de supprimer un tapis lié à un risque de chute par exemple, ou pour le choix de produits de nettoyage moins nocifs. Ces aménagements sont plus faciles à obtenir pour les salariés d’entreprises et d’associations, car celles-ci disposent d’un meilleur rapport de force vis-à-vis de leurs clients. Ces structures peuvent aussi davantage lutter contre l’isolement des salariés, par la mise en place de temps collectifs d’échange sur le travail, entre collègues ou avec la hiérarchie. Les professionnels de santé au travail ont bien sûr un rôle à jouer dans l’accompagnement et la mise en œuvre des mesures de prévention. Ils peuvent aussi informer les entreprises ou les particuliers employeurs des subventions auxquelles ils sont éligibles pour financer ces mesures, à l’instar de celles proposées par l’Assurance maladie dans le programme « Aide et soins à la personne à domicile ».
Un risque d’inaptitude définitive
Enfin, concernant la gestion des éventuels problèmes de santé des salariés dans ce secteur, les marges de manœuvre sont là aussi limitées. Par exemple, les travailleurs ayant de multiples employeurs ou les indépendants peuvent être amenés à renoncer au bénéfice d’un arrêt de travail. Le calcul des indemnités journalières des premiers nécessite en effet que chaque employeur envoie une attestation de salaire, quand les seconds doivent pouvoir justifier d’un revenu annuel lié à leur activité depuis trois ans. Lorsque le problème de santé a un impact sur l’activité professionnelle, l’aménagement du poste de travail n’est pas simple non plus, qu’il s’agisse de la mise en place d’un temps partiel thérapeutique, d’une adaptation du matériel ou de l’organisation.
Quand le maintien dans l’emploi n’est plus possible, le statut du travailleur s’avère là encore déterminant. Pour le salarié d’un particulier employeur, il n’y aura pas de reclassement interne possible. Une situation de ce type, si elle n’a pas été anticipée, donnera lieu la plupart du temps à une inaptitude définitive au poste, suivie d’une inscription à Pôle emploi. Les salariés de grosses structures ont plus facilement accès à des solutions de reclassement interne, vers des postes de coordination par exemple. L’inaptitude est moins systématique les concernant. Les inégalités constatées en matière de santé au travail entre travailleurs des services à la personne, notamment pour les indépendants, mais aussi les difficultés inhérentes à leur suivi médical appellent une action des pouvoirs publics. A quand une réforme sur le sujet ?